Une cinquantaine de clients se trouvent à table. Après avoir lancé une grenade, ils mitraillent clients et employés. Puis, le commando lance une seconde grenade, ressort du restaurant et s’enfuit à pied en tirant dans la foule. Un policier en civil intervient sur les lieux arme à la main. Dans la panique, tirant depuis sa fenêtre, en pensant qu’il visait un terroriste, le fils du restaurateur, Marco Goldenberg, blesse grièvement l’inspecteur André Douard lequel déjeunant à proximité, venait d’intervenir, revolver au poing. En moins de trois minutes, l’attentat fait six morts et vingt-deux blessés. Le président Mitterrand interrompt ses vacances et promet de traquer le terrorisme «jusqu’à la racine».
Mardi 9 août, le garde des sceaux Éric Dupond-Moretti a participé à une cérémonie commémorative de l’attentat, la perspective d’un procès se dessine enfin avec la fin de l’instruction contre l’un des principaux suspects dont la France a obtenu l’extradition en 2020. Signe d’une constance de la justice, au cours de ces quatre décennies qui ont vu le monde tellement changer: au début des années 1980, le pays ne disposait ni de parquet ni de loi antiterroriste. Compte tenu de la géopolitique du Proche-Orient et de l’importance donnée à la communication surtout depuis l’avènement des réseaux sociaux, les terroristes ne sont plus antisémites mais antisionistes.
Une pression diplomatique
«Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins», souligne Me Alain Jakubowicz, avocat de la famille d’une des victimes, Georges Demeter, et de la Licra, partie civile. «Le juge a deux options, la première étant de clôturer le dossier en l’état et de le disjoindre des trois autres mandats délivrés. On aura alors un procès un peu tronqué, en l’absence des autres mis en cause, mais ce serait un pas très important.» L’avocat veut néanmoins encore croire à l’autre hypothèse, celle d’une offensive diplomatique de Paris auprès de la Jordanie et de l’Autorité palestinienne, pour obtenir l’extradition des autres suspects.
«En se donnant encore un peu de temps avant de conclure l’instruction, la justice laisse encore la porte ouverte», note Me Jakubowicz qui, avec trois confrères, vient de publier dans le Journal du dimanche un communiqué pour solliciter de l’Élysée «une action concrète de la France en faveur de l’extradition de suspects vers notre pays».
L’obtention de mandats d’arrêts internationaux
Dès les années 80, l’enquête mène sur les traces d’un groupe militant palestinien, appelé Abou Nidal, alors soutenu par de nombreuses puissances arabes qui bloquent toute perspective d’investigation. Mais les temps ont changé et dans les années 2010, certains acteurs de l’époque commencent à témoigner et dénoncer. Coup de théâtre en 2015, avec l’émission de quatre mandats d’arrêt internationaux, visant deux personnes résidant en Jordanie, une en Cisjordanie et un homme réfugié en Norvège. En 2020, suite à des accords de coopération signés avec l’Union européenne, la Norvège accepte enfin l’extradition d’Abou Zayed.
Père de quatre enfants et incarcéré depuis deux ans, l’homme, qui a la nationalité norvégienne, nie avoir participé à l’attentat et avoir même résidé en France au moment des faits. Mis en examen pour assassinat et tentative d’assassinat, c’est l’instruction de son dossier que la justice française est sur le point de clôturer.