Mercredi dernier, le tribunal administratif de Paris a suspendu en référé l’expulsion en «urgence absolue» de l’influenceur algérien Doualem. Les magistrats remettent ainsi en cause la décision du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. Cette annulation constitue un revers pour le ministre, dont la politique d’expulsion se heurte à des obstacles juridiques et diplomatiques. Une fois de plus, les magistrats usent de tous les ressorts mis à leur disposition pour conserver des individus extrêmement dangereux sur le territoire national.
Une expulsion au cœur d’une bataille diplomatique entre Paris en Alger
L’affaire remonte à décembre dernier lorsque Doualem a publié une vidéo TikTok contenant des menaces de mort contre un opposant au régime algérien vivant en France. Signalé par Chawki Benzehra, militant algérien pour les droits de l’Homme, réfugié en France, l’influenceur voit son titre de séjour révoqué par la préfecture de l’Hérault le 7 janvier. Prévue pour le 24 février, sa comparution immédiate est devancée par Bruno Retailleau, qui signe un arrêté d’expulsion en urgence absolue. Le 9 janvier, Doualem est placé dans un avion pour l’Algérie, mais les autorités algériennes lui refusent l’entrée sur leur territoire. Ce retour forcé met en difficulté la stratégie du ministre, qui voit sa décision bloquée. Saisi en référé, le tribunal administratif de Paris a jugé que Doualem, de son vrai nom Boualem N., ne représentait pas «une menace imminente pour l’ordre public». Selon l’ordonnance du TA de Paris, «l’expulsion en urgence absolue n’était pas justifiée, car l’autorité judiciaire n’a pas jugé nécessaire de placer l’intéressé en détention provisoire ni sous contrôle judiciaire». Les juges ont ainsi rappelé «l’importance des garanties essentielles dont l’intéressé aurait été privé».
Cette décision affaiblit la politique de fermeté de Bruno Retailleau
En effet, l’expulsion en urgence absolue est une mesure exceptionnelle réservée aux personnes constituant une menace grave et actuelle. Les juges ont estimé que l’absence de justification suffisante entraînait l’annulation de cette procédure. Doualem demeure actuellement au centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot. Il est en attente d’une éventuelle procédure d’expulsion ordinaire. Ses avocats prévoient de déposer une demande de mise en liberté imminente. Cependant, si le ministère de l’Intérieur dispose d’un mois pour revoir la procédure d’expulsion, il dira préférer se tourner vers la procédure standard. Il ne souhaite donc pas saisir le Conseil d’État qui, trop souvent, prend fait et cause, pour les criminels étrangers. Selon Nicolas Hervieu, cité par Public Sénat, juriste en droit européen des droits de l’homme, une nouvelle expulsion reste possible. Toutefois, sa réussite dépendra des relations diplomatiques avec l’Algérie. «Si ce pays refuse d’accueillir son ressortissant, toute la procédure est bloquée», souligne-t-il.