Plusieurs candidats à la présidentielle ont proposé de recentrer l’école primaire sur l’acquisition des savoirs de base. Ils ont souligné la nécessité de lutter contre l’analphabétisme, notant que les élèves français sont sous-performants, tant en français qu’en mathématiques. Tout en partageant ce constat, d’autres ont soulevé plus de questions sur ces pratiques, arguant qu’il faut ouvrir de nouveaux horizons aux enfants par le goût et la capacité d’apprendre.
Avis présidentielle
Il y a ceux qui sont pour : Marine Le Pen, la majorité présidentielle, Valérie Pécresse, Eric Zemmour…
Et il y a ceux qui sont contre : Yannick Jadot, Anne Hidalgo, La France Insoumise, le Parti Communiste français…
Construire l’école de demain
Selon les données du Ministère de l’Education, à la rentrée 2020, il y avait près de 50 000 crèches, écoles primaires en France, dont 88,6 % étaient publiques et le reste est des écoles privées sous ou sans convention avec l’État. La maternelle compte en moyenne 23,2 élèves par classe et l’école primaire compte en moyenne 21,9 élèves par classe. De la rentrée 2017 à la rentrée 2021, toutes les classes de la Région Maternelle, CP et CE1 situées en zones socialement défavorisées (REP et REP+ Réseaux d’Education Prioritaire) sont progressivement séparées pour accueillir jusqu’à 12 élèves. C’est la promesse du candidat Emmanuel Macron. L’objectif est que tous les élèves aient les « connaissances de base » à la sortie de l’école primaire.
Les savoirs fondamentaux
Les candidats défendant l’école primaire (du CP au CM2) avec un regain d’intérêt pour les « fondamentaux » n’en ont pas donné la même définition. Selon Valérie Pécresse et Éric Zemmour, ce savoir correspond à la formule « lire, écrire, compter ». Le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blancel a ajouté « le respect d’autrui« , tandis que Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen sont intervenus sur l’histoire et l’histoire, la géographie et les « bases scientifiques » de François Arcelino pour la parfaire.
En 2020, les élèves étudiaient 8 heures par semaine (CM1-CM2) ou 10 heures (CP, CE1 et CE2) de français et 5 heures de mathématiques. Le reste du temps (24 heures de cours au total) est consacré à l’éducation physique et sportive, à l’étude des langues étrangères ou régionales, aux cours d’arts plastiques et d’éducation morale et civique, matières étudiées dès le CM1 auxquelles s’ajoutent l’Histoire-Géographie et les Sciences et Techniques. Récemment, l’historien de l’éducation Claude Lelièvre notait que la part des heures totales consacrées au français et aux mathématiques avait « peu changé » depuis 1945. En revanche, les heures d’enseignement hebdomadaires maximales n’ont cessé de diminuer : 30 heures au début de l’enseignement primaire obligatoire en 1882, 27 heures en 1969, 26 heures en 1990 et 24 heures depuis 2008.
Comparaison au sein de l’Europe
La France est impliquée dans plusieurs études visant à comparer les performances des élèves entre les pays. Le plus célèbre d’entre eux s’appelle Pisa, qui évalue les élèves de 15 ans des collèges ou lycées français. Dans le primaire, la France participe à deux études menées par l’IEA, une association internationale qui regroupe des universités et des instituts de recherche de plus de 60 pays. Ainsi, les compétences des élèves de CM1 sont évaluées en compréhension écrite (enquête PIRLS) et en mathématiques et sciences (enquête TIMSS). Dans la dernière phase des deux études, organisées respectivement en 2016 et 2019, la France se situait bien en dessous de la moyenne européenne.
Maitrise insuffisante
Pour Valérie Pécresse, il faudrait créer une « école de base » en ajoutant « deux heures de cours de français et une heure de cours de mathématiques par semaine ». La proposition vise à lutter contre l’analphabétisme, qui touche 7% des personnes âgées de 18 à 65 ans, selon l’Agence nationale pour l’alphabétisation, un organisme public. Elle définit l’illettrisme comme une personne qui « n’a pas encore acquis une maîtrise suffisante de la lecture, de l’écriture, du calcul, des compétences de base » pour être « autonome dans les situations simples de la vie quotidienne » après avoir été scolarisée en France. Les recherches DEPP basées sur les évaluations PIRLS 2016 et TIMSS 2019 montrent que les enseignants français consacrent déjà plus de temps que les enseignants de sciences (67 heures de moins) à l’enseignement des langues (100 heures de plus par an) et des mathématiques (24 heures de plus par an) que les enseignants européens).
Connaître l’essentiel
Pour le candidat de l’extrême droite, Eric Zemmour dénonce « l’effondrement des normes académiques« , appelant à un recentrage sur « l’essentiel« . L’enquête de compréhension écrite du PIRLS montre que depuis 2001, les niveaux de compréhension écrite en France ont très nettement baissé, alors que la tendance dans les autres pays a considérablement augmenté. L’Insee, l’office national de la statistique, faisait le même constat en 2011, soulignant une augmentation « significative » de la proportion d' »élèves en difficulté d’écriture« . Cependant, il a souligné que le niveau de l’élève moyen n’a pas changé, mais le niveau des élèves les plus faibles du primaire, qui vivent principalement dans les zones les plus pauvres, s’est considérablement détérioré. En mathématiques et en sciences, l’enquête TIMSS a montré des résultats CM1 stables entre 2015 et 2019, tandis que les résultats de quatrième année (secondaire) se sont détériorés par rapport à 1995.
Un haut lieu de savoir
Dans son programme, François Asselineau propose de faire de l’école « un haut lieu du savoir, à l’abri des débats et débats politiques, sociaux et religieux contemporains ». Dans une interview publiée en 2013 sur le site Atlantico, le sociologue François Dubet défendait cette « étanchéité » de l’école, estimant qu’il fallait « revenir » à une école « dans laquelle on enseigne des contenus clairs et qui ne pourraient choquer aucun parent d’élève qui y entrerait ». Car selon lui, les enseignants peuvent déraper lorsque « des visions de familles aux opinions différentes s’opposent« , insiste-t-il. Pierre Pierre Duriot, enseignant au primaire, estime qu’il est « impossible » d’arrêter le débat sur les élèves et de « vivre avec des parents qui parlent« . Il estime que « l’un des devoirs de l’école est d’éduquer nos enfants, tout le monde n’est pas d’accord, et toutes les opinions sont respectueuses« .
Enseignement concret
Pour Yannick Jadot, « la cuisine, le bricolage, le jardinage sont des compétences essentielles ». Dans son programme, il défend la mise en place d’un « enseignement concret » et de « deux modules d’enseignement pratique d’une demi-journée par semaine ». Il soutient que l’école doit préparer les enfants à l’avenir en éduquant les enfants sur « la diversité et la biodiversité ». La question de la diffusion des connaissances de base a été source de division au XIXe siècle. En 1881, Jules Ferry, alors ministre de l’Instruction publique, affirme que certaines compétences enseignées, comme le dessin et le travail manuel, sont « les principaux éléments » de « ce qui constitue une véritable éducation pédagogique ». Il défend ainsi une position contraire à celle de son adjoint Adolph Thiers, qui déclare en 1849 : « Lire, écrire, compter, voilà ce qu’il faut apprendre ; le reste est superflu. » Il ajoute « Il faut limiter cette expansion démesurée de l’enseignement primaire. »
Nouvelle pédagogie
« La France n’a pas pris de mesures, et il faut aussi se tourner vers une nouvelle pédagogie« , avait déclaré Anne Hidalgo lors d’une rencontre avec les électeurs l’an dernier. Elle n’a pas approfondi l’idée, mais propose dans son projet d’ouvrir « un état général de la pédagogie » en 2022 pour « s’inspirer d’enseignants innovants ». Sur la base des résultats du PIRLS 2016, la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) a expliqué que les élèves français avaient plus de mal à comprendre les « textes informatifs » que les « textes narratifs« . Elle a noté que les enseignants français passent moins de temps à développer des activités pour améliorer la compréhension des textes par les élèves que leurs homologues européens. Par exemple, 41% des étudiants en France déclarent qu’on leur demande souvent de comparer « ce qu’ils ont lu avec ce qu’ils ont vécu« , contre 82% des autres étudiants en Europe.
Valoriser le métier d’enseignant
Si Éric Zemmour propose de « démultiplier la prime » en fonction du « mérite », alors le salaire majoré est à la charge du candidat de gauche. Jean-Luc Mélenchon, lui, propose une augmentation de 15% des salaires des enseignants « essentiels à la diffusion des savoirs« . Anne Hidalgo avait proposé en septembre de doubler les salaires des enseignants sur les cinq prochaines années. Dans son plan, écrit-elle, leur rémunération « atteindra progressivement les niveaux de la direction« . Dans un article, Éric Charbonnier, expert en éducation à l’OCDE, fait le lien entre les mauvaises mathématiques des élèves et le manque d’attractivité du métier d’enseignant en France. Il a pointé des problèmes de rémunération mais aussi « de prestige, de manque de formation continue et d’évolution de carrière« . Selon lui, il y a aussi la question du niveau des professeurs de mathématiques, qu’il juge trop bas.