Présidentielles : L’extrême droite se fissure. A l’heure où les tensions au sein de l’extrême droite se font ressentir, l’immigration est un sujet de débat, notamment dans cette campagne présidentielle. Les candidats de droite et d’extrême droite veulent limiter l’immigration légale par divers mécanismes, dont la mise en place de quotas, arguant que la France doit choisir ses immigrés. La majorité présidentielle et les candidats de gauche s’opposent à de telles mesures, arguant que l’immigration économique contribue à la richesse de la nation. Décryptage.
Rififi au Rassemblement national
Alors que Marine Lepen a estimé que certains membres du Parti d’Eric Zemmour étaient de vrais « nazis » dans une récente interview dans le Figaro, elle a également reconnu qu’« Éric Zemmour ne parvient pas à formuler une proposition qui n’est pas une division. En cela, il ressemble beaucoup à Emmanuel Macron. » Une tentative, selon la candidate du Rassemblement National, de semer la zizanie au sein du RN. «Il ne se bat pas pour gagner mais pour tuer le Rassemblement national». A l’heure où le parti connaît un certain nombre de départ de ses adhérents.
L’immigration en France
En 2019, la France a délivré environ 277 000 premiers titres de séjour, un nombre en augmentation au fil des ans, selon le ministère de l’Intérieur. Parmi ceux-ci, 90 500 titres de séjour ont été délivrés à des familles immigrées, dont plus de la moitié concernaient des familles françaises, et 90 300 à des étudiants. Les migrants économiques représentent 39 000 titres de séjour et près de 38 000 migrants humanitaires. Selon les données de l’INSEE, 4,3 millions d’immigrés et d’étrangers vivaient en France en 2020 et 2,5 millions d’immigrés français ont acquis la nationalité française. Le ministre français de l’Intérieur, Gérard Darmanin, a déclaré au Parisien le 20 novembre qu’il y avait encore « 600 000 à 700 000 » immigrés illégaux en France.
Ce que dit la loi
L’immigration est réglementée par plusieurs textes de loi français. En matière d’immigration professionnelle, les étrangers non européens doivent être titulaires d’une autorisation de travail, également appelée autorisation de travail, pour exercer une activité salariée. Les candidatures sont faites par des employeurs potentiels, à condition qu’ils aient affiché des offres d’emploi pendant trois semaines et qu’ils n’aient reçu aucune candidature. Le arrêté du 1er avril 2021 met à jour le précédent décret de 2008, facilitant la demande d’autorisation de travail pour les secteurs dits en tension. En revanche, certains emplois sont fermés aux étrangers, notamment des emplois dans des secteurs régaliens comme la police et le service extérieur.
L’immigration positive
Plusieurs pays, dont le Canada, l’Australie et le Royaume-Uni, ont introduit des systèmes d’immigration basés sur des points. Afin d’obtenir un permis de séjour pour travailler, les candidats à l’immigration doivent atteindre un seuil de score minimum, qui est attribué s’ils répondent à divers critères, tels que le niveau d’éducation, la maîtrise de la langue avec un engagement à recruter. Un tel système favorise l’immigration de travailleurs qualifiés. En 2019, les étrangers permanents représentaient 0,9 % de la population du Canada, 0,8 % en Australie et 0,4 % en France, selon les données de l’OCDE, qui regroupe 38 pays.
L’avis des Républicains concernant l’immigration
Les Républicains (LR) ont proposé dans leur plan d’instaurer un plafonnement des titres de séjour, qui serait voté chaque année au parlement en fonction de la « capacité d’intégration » pour « réduire drastiquement » l’immigration légale. Valérie Pécresse, investie par le parti après le vote des adhérents, pointe dans son programme la nécessité de « créer un quota d’immigrés sélectionnés répartis par secteur et par pays ». Dans un rapport de mai 2020, la Cour des comptes, qui contrôle les dépenses publiques, a fait valoir que la mise en place de quotas « destinés à servir d’outil pour restreindre sévèrement l’immigration professionnelle » pouvait échouer car ceux-ci étaient « inadaptés à la régulation des séjours de courte durée », comme le travail saisonnier et les missions internes pour des entreprises internationales. Mais elle suggère d’essayer d’établir des « objectifs chiffrés » avec « attractivité durable » comme qualification spécifique, en réponse à la concurrence internationale et aux difficultés de recrutement dans certains secteurs.
Limiter l’octroi des prestations sociales
Plusieurs candidats, comme Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) et Valérie Pécresse (LR), ont proposé de limiter l’octroi des prestations sociales aux immigrés à cinq ans de résidence régulière en France. Ils soutiennent qu’il faut arrêter le « courant d’air » causé par l’aide sociale. A défaut de durée minimale de résidence, les étrangers résidant en France peuvent bénéficier des allocations familiales comme les Français sous certaines conditions, comme avoir au moins un enfant à charge en France. Il peut également bénéficier du Revenu de Solidarité Active (RSA) et de l’Allocation de Solidarité Seniors (Aspa), à condition de disposer d’un titre de séjour lui permettant de travailler en France respectivement au moins 5 et 10 ans.
Statistique sur l’insécurité
« Il y a un lien direct entre l’immigration anarchiste et l’insécurité que nous vivons dans notre pays », a déclaré Marine Le Pen, candidate au Rassemblement national récemment. Elle a insisté fin octobre sur le fait que « 95% de la criminalité de rue » est la fait que « les immigrés, les étrangers ou les personnes d’ascendance immigrée ». En France, les statistiques fondées sur la race ou la religion sont interdites par la loi. Cependant, ceux-ci peuvent préciser la zone géographique d’origine ou la nationalité à la naissance. La campagne de Marine Le Pen a déclaré s’appuyer sur le rapport du ministère de l’Intérieur sur les vols et violences dans les transports en commun en 2019 : 93 % des mis en cause pour vols sans violence commis dans les transports en Île-de-France étaient de nationalité étrangère. En revanche, dans le reste de la France et tous faits confondus (y compris les vols violents et les violences sexuelles), le taux était bien inférieur (37 %), précise le rapport.
Une assimilation controversée
L’essayiste et candidat Eric Zemmour estime dans son programme que « la première menace pour notre identité est l’immigration de masse ». Il prône « l’assimilation » des étrangers. L’assimilation consiste à « faire sienne l’histoire de France, la culture française » ainsi qu’à « s’habiller comme les Français, donner un prénom français à ses enfants », comme l’a détaillé Éric Zemmour. Sauf exception, tout étranger non européen entrant en France pour la première fois dispose d’un « contrat d’intégration républicaine » avec le pays, par lequel il s’engage à « respecter les valeurs françaises fondamentales« . En la signant, il s’est également engagé à participer à une formation citoyenne obligatoire de quatre jours, qui comprend une initiation aux valeurs de la république, et éventuellement une formation linguistique s’il ne maîtrise pas suffisamment le français.
Restreindre l’immigration est illégal
Le 18 novembre, le candidat du Parti européen d’écologie Yannick Jadot a défendu sur France 2 que l’accueil des réfugiés était « notre obligation en vertu du droit européen et international« , ainsi que le regroupement familial. La Constitution française garantit l’asile à « tout étranger qui est persécuté pour ses actions en faveur de la liberté« , tout comme la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés de 1951, que la France a ratifiée. La Convention européenne des droits de l’homme, que la France a ratifiée, garantit également le regroupement familial, permettant aux étrangers légaux d’exiger l’adhésion de leur conjoint et de leurs enfants mineurs. En 1978, le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative de France, a affirmé ce droit en vertu de la Constitution et a inclus le « droit à une vie familiale normale » dans une décision. Ainsi, les restrictions à l’immigration ne s’appliquent qu’en France à l’immigration professionnelle et étudiante de ressortissants non européens.
Une richesse nationale
La candidate socialiste Anne Hidalgo et le gouvernement ont défendu l’idée que l’immigration économique est bonne pour la richesse nationale. Anne Hidalgo a fustigé fin octobre sur RTL « l’ancienne mode de dire que les étrangers viennent manger du pain français. Ils viennent aussi contribuer à la fabrication du pain français« . Les immigrés contribuent davantage aux impôts et aux cotisations sociales que la France ne dépense en protection sociale, en santé et en éducation, selon une étude de l’OCDE publiée fin octobre. Selon l’OCDE, la contribution budgétaire nette de la population née à l’étranger a été en moyenne de 1,02 % du PIB français (production totale de biens et services) entre 2006 et 2018.
Pas la première préoccupation des Français
Le 10 novembre, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a dénoncé « l’obsession de l’immigration de certains candidats », ajoutant que l’immigration était « ni une chance ni une malchance » pour la France. » Le candidat de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, défend l’idée que « les élections présidentielles seront sur des questions sociales » et que « les préoccupations des Français pour l’élection sont dans leur vie quotidienne », comme le logement et le chauffage. L’immigration n’est pas la première préoccupation des Français, mais l’une des plus grandes préoccupations des Français, selon plusieurs sondages publiés ces dernières semaines. Selon l’enquête Ipsos-Sopra Steria du Monde du 7 septembre, il se classe cinquième, après l’avenir des institutions sociales, de la délinquance et de l’environnement ; selon l’enquête du Figaro de Fiducial-Odoxa, il se classe troisième le 25 octobre.
La France a une tradition d’accueil des immigrés
« Nous ne sommes pas de ceux qui ont convaincu les Français qu’il fallait mettre fin à toute immigration. Nous sommes honorés d’accueillir des personnes fuyant la guerre et les persécutions », a déclaré le 14 novembre au Figaro le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attar. Anne Hidalgo a également défendu l’idée que la France était un pays hôte. Cette dernière remet en cause « la vision étriquée dans laquelle un pays va se tourner et l’Europe sera un rempart de l’Europe » à l’heure où « des défis majeurs nous obligent globalement » à « parler là où sont nos valeurs« . Le scientifique Gérard Noiriel expliquait dans une revue scientifique de 2010 que « l’une des singularités de la France par rapport aux autres pays européens » était la « prématurité de ses immigrés » au XIXe siècle, notant qu’elle répondait par la suite aux « besoins du marché du travail« .