Échec ou réussite du gouvernement après la décision de retrait des troupes françaises du Sahel ? Plusieurs candidats à la présidence ont soulevé la question du maintien des troupes françaises dans le pays alors que la France est en crise diplomatique avec la junte au pouvoir au Mali. Certains, en particulier à gauche, pensent que la France doit se séparer complètement du Sahel alors que le conflit s’enlise. Au lieu de cela, d’autres candidats et la majorité présidentielle prônent le maintien de la France au Sahel au nom de la lutte contre le terrorisme.
Le Mali demande à la France de retirer ses soldats « sans délai ». Emmanuel Macron a répondu que la France se retirerait « de manière ordonnée sans compromettre la sécurité de ses soldats ».
Histoire des opérations
La France mène des opérations militaires au Sahel depuis 2013. Cette année-là, à la demande des autorités maliennes et dans le cadre d’une résolution de l’ONU, la France lance l’opération Serval pour soutenir l’armée malienne contre l’attaque jihadiste. Ces derniers réussissent à prendre le contrôle de plusieurs zones du nord du Mali et menacent d’attaquer la capitale. En quelques semaines, les djihadistes sont repoussés. L’opération Barkhane, qui a succédé à l’opération Serval en 2014, travaille avec les armées de cinq pays : le Mali, la Mauritanie, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad pour combattre les groupes jihadistes dans tout le Sahel. En décembre 2021, la France a mobilisé 4 800 soldats, selon l’état-major de l’armée française. Selon le ministère des Armées, 60 militaires français ont été tués au Sahel depuis 2013.
Parmi les nombreux groupes djihadistes présents au Sahel aujourd’hui, deux des plus importants sont le Groupe de soutien islamique et musulman (GSIM) affilié à Al-Qaïda et l’État islamique du Grand Sahara (EIGS), qui a prêté allégeance à Daech. Ils font preuve d’une grande résilience. Le djihadisme au Sahel est historiquement issu de la guerre civile algérienne (1991-2002). En 2020, Mathieu Pellerin, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri), expliquait que ce « sanctuaire s’est créé en s’infiltrant et en recrutant principalement dans la société sahélienne« . Depuis la crise au Mali, les menaces terroristes sont fortes dans ce que l’on appelle les « Trois Frontières » au Niger et au Burkina Faso. La région est également un site de violence communautaire. « Le nombre d’attaques brutales dans le centre du Sahel a été multiplié par huit depuis 2015″, ont rapporté les Nations Unies en janvier.
Fin de la présence française au Mali
Emmanuel Macron avait annoncé en juin la fin de l’opération Nouveau Barkhane et un « basculement profond » de la présence française au Sahel, déplorant la « décision des pays de ne pas prendre leurs responsabilités« . Le Mali vient de connaître deux coups d’État : en août 2020, une junte militaire a contraint le président à démissionner après des mois de crise politique, puis en mai 2021, la junte militaire a dissous le gouvernement de transition. La France va désormais intervenir dans le cadre de la force européenne de lutte contre le terrorisme au Sahel, baptisée Takuba, qui comptait 800 hommes en décembre, selon l’état-major de l’armée. En décembre, les Balkans ont quitté le nord du Mali après avoir restitué les trois bases qu’ils occupaient à l’armée malienne. L’état-major de l’armée a indiqué en décembre que la fermeture en cours de Barkhane « se poursuivra tout au long de 2022 ». Il prévoit que 3 000 militaires français continueront à combattre au Sahel en 2023.
L’opération Barkhane est actuellement la plus grande opération extérieure en France. 600 militaires français sont également déployés au Moyen-Orient dans le cadre de l’opération Chammal pour soutenir les forces irakiennes et la coalition internationale contre le groupe État islamique. Les troupes françaises sont également présentes dans plusieurs pays avec lesquels la France a des accords de défense bilatéraux, ainsi que dans des alliances mandatées par les Nations unies ou l’OTAN (une alliance militaire de 30 pays). Selon un bilan de janvier du ministère des Armées, plus de 30 000 militaires français sont mobilisés en permanence en France et dans le monde. Le président de la République, en sa qualité de commandant en chef des forces armées par la Constitution, décide en Conseil de défense de la participation aux opérations extérieures. Le Parlement a le pouvoir d’autoriser une prolongation de l’intervention de plus de quatre mois.
Pas de paix au Sahel
« L’intervention militaire française au Sahel et ailleurs a ajouté au chaos« , a dénoncé début janvier sur Twitter la candidate à la présidence de Lutte Ouvrière, Natalie Arthault. Sur son site internet, le parti avance que « l’insécurité et l’obscurantisme sont les grands gagnants de l’instabilité provoquée par la guerre« . Le candidat du PCF, Fabien Roussel, a également dénoncé sur son site internet « l’impasse » du conflit au Mali. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a signalé en janvier que le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays du Sahel avait atteint 2 millions pour la première fois, quadruplant le nombre en 2019, selon le HCR.
Au Mali, le pouvoir « voudrait qu’on s’en aille, il est en train de faire la place à des mercenaires russes », condamnait le candidat La France insoumise Jean-Luc Mélenchon le 23 janvier, appelant à « se retirer de là« . Il a souligné qu’une partie de la population « solidarisée du pouvoir putschiste contre les ingérences extérieures », notamment contre la France. En décembre, 15 pays, dont la France, ont condamné la présence de mercenaires du groupe privé russe Wagner au Mali. Le sentiment anti-français au Mali est en partie dû à l’humiliation des populations locales de voir des » l’armée ex-coloniale » dans le pays depuis près de 10 ans, et à leur incapacité à comprendre que « l’armée française et ses moyens technologiques ne peuvent éliminer l’insécurité« , expliquait Nicolas Normand, chercheur au think tank Iiris en janvier.
Défense des intérêts français
En février 2021, Nathalie Arthaud dénonçait à LCI que si le gouvernement tient à avoir une présence au Sahel, « c’est pour sauvegarder les intérêts français au Sahel, le privilège d’acquérir des richesses« . Cette position a été reprise par les candidats du nouveau parti anticapitaliste : l’antimilitariste Philippe Poutou a dénoncé dans son plan de campagne la « défense des ‘intérêts français' » et des « blocs industriels » pour » prouver que l’engagement de la France dans un conflit militaire est légitime. Plusieurs groupes industriels français sont présents au Sahel, dont Orano (ex-Areva) et Vinci, notait l’historien camerounais Achille Mbembe dans un rapport à Emmanuel Macron en octobre : « Alors que la structure des flux d’échanges a changé, le sentiment selon lequel la présence économique française en Afrique se situe dans le prolongement de l’économie de traite demeure largement répandu. »
Certains partis qui soutiennent le retrait des troupes françaises du Sahel, comme le Parti communiste français, ont condamné l’abus de pouvoir de l’armée française. En janvier 2021, l’opération Barkhane a mené une frappe aérienne sur le site d’une célébration de mariage près du village de Bounti, dans le centre du Mali, où se rassemblait une centaine de civils. Au moins 22 personnes sont mortes, dont trois étaient des « membres présumés » d’une organisation terroriste, selon la Minusma. Le ministère des Armées a rejeté le bien-fondé de cette enquête, tandis que l’état-major a exclu tout « dommage collatéral » lors de cette frappe qui visait un « groupe armé terroriste » armé ».
Barkhane remporte des succès militaires
Le gouvernement a défendu la présence française au Sahel, mettant régulièrement en avant les résultats de l’opération Barkhane et ses victoires tactiques. Plusieurs cadres de groupes jihadistes au Sahel ont été tués par les troupes françaises, dont le chef de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) en septembre et le chef fondateur d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) en juin 2020. L’armée n’a pas fourni le nombre exact de jihadistes tués au Sahel. L’élimination des cadres a laissé le groupe désorganisé à court terme. Mais elle peut aussi conduire à une escalade de la violence car elle « est souvent – même si cela n’est pas systématique – suivie de l’émergence de chefs plus radicaux « , explique l’International Crisis Group, un groupe de prévention indépendant en octobre.
Dans un communiqué publié en juin, Marine Le Pen a fait valoir que le retrait « brutal » des troupes françaises du Sahel constituerait « un signal de faiblesse pour les puissances qui avancent leurs pions dans cette partie du monde« , dont la Russie. Le président russe Vladimir Poutine a « exploité d’éventuels problèmes relationnels entre Paris et certaines capitales africaines pour déployer » des mercenaires au Mali, comme c’est le cas « en République centrafricaine« , analysait le chercheur de l’Ifri Alain Antil le 24 janvier. Anne Hidalgo estimait que la France « ne peut pas remettre cette victoire aux terroristes en cédant le territoire« . A ce propos, le chercheur Savadogo Mahamoudou rapportait dans la presse en juin que « le départ de l’opération Barkhane faisait partie des revendications des groupes armés terroristes », ce qui constituerait « une victoire pour eux », et que l’armée nationale n’était en effet « pas prête à prendre le relais toute seule ».
Lutter contre le terrorisme au Sahel
Plusieurs candidats, dont Anne Hidalgo (PS), Valérie Pécresse (LR) et Marine Le Pen (RN), et la majorité présidentielle estiment que lutter contre le terrorisme au Sahel permet à la France de lutter contre le terrorisme. L’État islamique, ou al-Qaïda, a revendiqué des attentats islamistes en France ces dernières années. Bien que ces groupes soient présents au Sahel à travers des mouvements locaux, ces derniers n’ont « jamais lancé d’attaques aux Etats-Unis ou en Europe », relève une étude d’octobre de l’Irsem, un centre de recherche du ministère des Armées, ajoutant que les djihadistes africains poursuivaient avant tout des objectifs « locaux ». En février 2021, Bernard Emmy, directeur général de l’agence française de renseignement extérieur DGSE, a déclaré aux médias que les terroristes au Mali envisageaient « des attaques dans la région et en Europe ».
« Ce combat nous engage et nous ne devons pas nous retirer de cette guerre », a fait valoir l’équipe de campagne de Valérie Pécresse (LR). Nicolas Dupont-Aignan (Debout La France) met également en avant dans son programme l’engagement moral de la France auprès de « pays amis » de cette région, tandis que l’équipe de campagne de Marine Le Pen affirme que « la France ne doit pas abandonner et n’abandonnera pas l’Afrique ». Les pays du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad), une coalition régionale créée pour lutter contre le djihadisme, sont tous d’anciennes colonies françaises.
Cette intervention était saluée par toute la population malienne et a empêché l’établissement par la violence barbare d’un régime islamiste à côté duquel les talibans afghans paraissent des humanistes. Cette intervention a préservé un status quo permettant Bamako de gérer les affaires et organiser des élections plutot correctes en 2018. Il a surtout empêché que les mines d’uranium au Niger, tout près de la frontière, tombent aux mains des Touaregs ou -pire- des djihadistes et que des flux de migrants fuient l’horreur islamiste vers l’Europe. Les soldats français tombés sont des héros qui se sont sacrifiés pour l’Europe. Mais deux coups d’états puis le non respect des engagements des putchistes ont détruit la complicité essentielle entre les armées française et malienne et et le retrait vers d’autres pays sahéliens gravement menacés est inévitable, d’autant plus que les Maliens ont invité Wagner càd les mercenaires de Poutin rodés à ce genre de lutte depuis la Tchétchènie mais aussi capables du pire et prêts à cautionner les pires exactions de l’armée malienne sur les populations civiles touarègues.
Résolument contre cette présence qui coûte fort cher aux contribuables et qui, de toutes façons, ne leur rapporte rien, bien au contraire en créant par ailleurs le danger de « représailles terroristes » sur notre sol !!!…