Michel Bouquet, comédien extraordinaire est décédé. C’était un monstre divin perdu, l’un des derniers grands noms du théâtre et du cinéma. Michel Bouquet est un comédien extraordinaire qui aime les mots et les beaux mots. Il restera un interprète inoubliable de « Le Picsou » de Molière et « Le Roi se meurt » de Ionesco.
« J’ai fait de mon mieux et je ne me suis pas trop posé de questions », avait déclaré Michel Bouquet, interrogé sur son remarquable parcours à la fin de sa vie. Sa belle voix grave ne résonnera plus. Le géant du théâtre, né à Paris le 6 novembre 1925, est mort mercredi 13 avril à l’âge de 96 ans, a annoncé son service de presse.
Premiers pas sur les planches à 17 ans
À l’âge de 17 ans, il commence à se produire sur scène au Théâtre de Chaillot. « J’étais dans un costume de Robespierre. J’avais le sentiment que c’était vrai, que j’étais Robespierre. Cela me provoquait des fous rires intérieurs. C’étaient mes premières sensations au théâtre« , a-t-il déclaré un jour.
En 1946, Jean Anouilh lui donne son premier grand rôle dans Roméo et Jeannette au Théâtre de l’Atelier. Ce qui suit est de saisissantes prestations dans des pièces de Pinter, Beckett, Thomas Bernhard ou Camus. L’acteur aime effacer les grands textes. En 75 ans, il a collaboré à une soixantaine de pièces avec deux de ses auteurs fétiches : Molière et Ionesco.
« Le roi est en train de mourir »: son personnage préféré
Son personnage préféré ? Bérenger Ier d’Eugène Ionesco dans Le Roi se meurt. Il a joué ce rôle pendant près de deux décennies dans plusieurs théâtres et tournées parisiennes. Il pensait que la pièce était « très dure à cause de l’interrogation des différents sentiments que les acteurs étaient obligés de traverser, du plus ridicule au pur tragique« . Le 10 mai 2014, lors de sa dernière représentation, le public du théâtre Hébertot l’applaudit. Sa femme, la brillante actrice Juliette Carré, partage souvent la scène avec lui. Le rôle lui vaut un deuxième Molière en 2005, après celui qu’il reçut en 1998 dans Les Côtelettes de Bertrand Blier en 1998. L’Académie lui remettra également le Molière d’honneur en 2016 pour l’ensemble de sa carrière.
« Molière oblige ses acteurs à accepter la vérité »
Michel Bouquet restera l’inoubliable interprète de plusieurs pièces de Molière : Tartuffe ou l’Imposteur, Médecin malgré lui, Dom Juan, L’Avare, Le Malade imaginaire… En 2017, Il écrit un livre qui lui est consacré : Michel Bouquet raconte Molière « Il a atteint une telle perfection dans le théâtre que, des siècles plus tard, les gens affluent encore pour l’entendre« , explique-t-il. Et, c’est une chose très étrange. Il poursuit : Molière a forcé ses acteurs à accepter la vérité (…). était une écriture très fine et très grossière à la fois. L’acteur avait pour habitude d’aller au théâtre trois heures avant la représentation, « pour être le plus vrai possible d’une vérité qui s’accorderait à la sienne.«
Film : De Kant aux jouets
Le public l’a découvert à la fin des années 1960 grâce au cinéma. Il est dans la quarantaine. Bouquet marque l’esprit avec La mariée était en noir avec Jeanne Moreau puis dans La Sirène du Mississippi de François Truffaut. Il incarne ensuite un flic angoissé et ténébreux dans « Un condé » d’Yves Boiset. Mais Chabrol lui offrira ses rôles les plus marquants dans « La femme infidèle« , « La Rupture« , « Juste avant la nuit » ou encore Poulet au Vinaigre. Ils tourneront six films ensemble. En 1976, Françis Veber joue le rôle de célébrité notoire et de flic flippant dans la comédie « Le Jouet » avec Pierre Richard, il s’amuse de sa propre image. L’histoire d’un homme cynique qui offre à son fils un compagnon de jeux en chair et en os.
Dans la peau de François Mitterrand…
Michel Bouquet a remporté deux Césars : le premier en 2002 pour Comment j’ai tué mon père d’Anne Fontaine. Le second a été écrit en 2006 par Robert Guédiguian pour Le promeneur du champs de Mars, dans lequel il incarne le maître François Mitterrand. « Je suis un acteur heureux, et quand il a besoin de se rencontrer, il rencontre toujours quelqu’un qu’il a besoin de rencontrer. Par exemple, quand j’ai rencontré Chabrol et Truffaut, j’ai eu envie de faire un film. Je les ai rencontrés.«
…à celle de Renoir
Michel Bouquet disait n’avoir aucune préférence pour le théâtre ou le cinéma : « Les deux choses sont très différentes, mais elles ont la même valeur. » Le rôle de Renoir dans le film de Gilles Bourdos de 2013 a été l’un des plus touchants de sa vie. Il incarnait le Vieux Maître presque paralysé, souffrant de rhumatismes sévères, qui continue à peindre coûte que coûte.
Michel Bouquet est un comédien confirmé qui considère son travail comme de l’artisanat. Il disait que toute sa vie était comme « creuser, fouiller, bêcher » comme le Laboureur de La Fontaine. Il quitte la scène en ayant l’impression d’avoir fait « son bonhomme de chemin« . Ceux qui ont eu la chance de le voir sur scène ne l’oublieront jamais.
Un hommage national qui aura lieu le 27 avril aux Invalides, à Paris, et sera présidé par Emmanuel Macron, quel que soit le résultat du second tour de la présidentielle. L’investiture du vainqueur aura en effet lieu après cette date.