Présidentielles : A quel âge partir à la retraite ? Plusieurs candidats à la présidence ont proposé d’abaisser l’âge légal de la retraite à 60 ans, arguant que la mesure est populaire en France et affirmant qu’elle pourrait être financée par une augmentation des cotisations. A l’inverse, d’autres ont défendu le maintien du seuil à 62 ans, voire le relèvement de l’âge légal à 64 ou 65 ans, en raison d’une population vieillissante et assurant l’équilibre financier du système. Le thème de la retraite sera un enjeu lors de la présidentielle 2022.
Un principe de répartition
Le système de retraite français fonctionne sur le principe de la répartition : les cotisations versées par les salariés et leurs employeurs au cours d’une année servent à payer les pensions des retraités de cette année. Deux types de pensions se chevauchent : la pension de base et la pension complémentaire, et la pension est calculée en points. L’âge légal de la retraite est l’âge minimum auquel une pension peut être perçue. En 1982, le président socialiste François Mitterrand propose de prendre sa retraite à 60 ans. Depuis le vote de la réforme en 2010, l’âge légal a été fixé à 62 ans.
La loi de 1945 a institué un régime général de retraite et de sécurité sociale. Pour la première fois, tous les employés sont tenus de participer à une assurance retraite. Après plus de deux décennies de forte croissance en France, le niveau des retraites remonte en 1971. Face au vieillissement de la population, des gouvernements de droite comme Édouard Balladur et François Fillon puis des gouvernements de gauche Jean-Marc Ayrault dans les Réformes ont été mis en place dans les années 1990 et 2010 pour allonger les délais de paiement.
42 régimes de retraite différents
Il existe 42 régimes de retraite différents en France. Certains programmes dits spéciaux sont spécifiques à des secteurs professionnels, le régime SNCF ou encore les régimes de la Chambre des représentants et du Sénat. Les personnes aux ressources limitées ou celles qui ont peu-cotisé dans leur carrière peuvent bénéficier de l’Allocation d’entraide aux personnes âgées. En 2006, cette aide a remplacé l’âge minimum introduit par la loi de 1956.
Un système de retraite déficitaire
Le système de retraite français est déficitaire depuis 2008, « en raison du départ à la retraite des baby-boomers », a expliqué Vie-publique.fr. Il y a trois façons d’ajuster le système de retraite : augmenter les cotisations, réduire les pensions ou augmenter l’âge de la retraite. La réforme des retraites envisagée par la majorité présidentielle — selon laquelle, pour créer un système « plus juste », prévoit de remplacer la période cotisable par un système de points accumulés au cours de sa carrière. La réforme prévoyait également la mise en place du « régime universel » et la fin du régime spécial. Il a été suspendu en raison de la crise du Covid-19.
Les systèmes de retraite varient d’un pays à l’autre. Si en France, tous les régimes obligatoires (de base et complémentaires) fonctionnent entièrement par répartition, certains pays, comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, disposent également de systèmes de retraite individuels basé sur le capital. Dans un tel système, les actifs épargnent pour financer leur future retraite. Cette épargne se présente sous la forme de titres financiers, généralement détenus dans des organismes spécialisés appelés caisses de retraite. Les retraités reçoivent le produit de ces investissements, versés sous forme de rentes. Le montant de la pension dépend du rendement des actifs financiers.
Ceux qui sont en faveur d’une baisse du départ à la retraite : Jean-Luc Mélenchon de La France insoumise, Fabien Roussel du Parti communiste français, Nathalie Arthaud de Lutte ouvrière, ,Marine Le Pen de Rassemblement national.
Pénibilité du travail
L’ordonnance de 1982 abaissant l’âge de la retraite à 60 ans faisait référence au « droit des travailleurs au repos en échange de services à la collectivité en fin de carrière normale ». C’est un argument philosophique souvent invoqué par les syndicats et les partis de gauche, que l’on retrouve dans la théorie du socialiste Paul Lafargue, auteur du Droit à la paresse, publié en 1883. Ralliée, Marine Le Pen a également défendu le seuil des 60 ans, à condition de verser 40 annuités. Comme elle l’a annoncé, elle voit dans la pénibilité de certains boulots la preuve que ceux qui les font peuvent prendre une retraite anticipée. Cela dit, il est déjà possible pour les salariés qui font déjà face à certains risques de bénéficier d’une retraite anticipée.
« À l’opposé des réformes dures, je propose des mesures bienvenues : le droit de partir à 60 ans avec une retraite généreuse« , a déclaré en juin le candidat du Parti communiste français Fabien Roussel. Le candidat de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a tweeté en juillet que la mesure était « soutenu par sept Français sur 10« . Or, une étude réalisée pour Les Échos et publiée le même mois montrait que seulement un tiers des personnes interrogées étaient favorables à l’abaissement de l’âge de la retraite, près de 50 % au maintien du seuil légal de départ à la retraite à 62 ans et 20 % à des augmentations de salaire.
Hausse des cotisations
Certains partisans de l’abaissement de l’âge légal de départ à la retraite ont défendu la hausse des cotisations, comme Jean-Luc Mélenchon, qui a également réclamé une hausse des salaires, notamment du Smic. « Il suffit de remettre les salaires des femmes au niveau des hommes, et les cotisations sociales auront un impact« , déclarait-il début novembre. En 1999, un rapport du Sénat interrogeait la question « délicate » de l’acceptabilité sociale des régimes de retraite » pour financer les régimes de retraite, arguant que cela aurait le potentiel de « faire porter le fardeau de l’ajustement à un nombre réduit de personnes ».
Lutter contre le chômage
Fabien Roussel estime qu’abaisser l’âge légal de départ à la retraite en libérant des emplois peut contribuer à financer la création d’emplois. Au troisième trimestre 2021, près de 6 % des actifs de plus de 50 ans et une moyenne de 8,1 % des actifs en France étaient au chômage, selon l’Insee. Dans une tribune publiée en juin, le chercheur et expert des retraites Bruno Parlier affirmait que « la solution au problème des retraites ne passe pas par de nouvelles réformes, mais par plus d’emploi des seniors. Permettre à chacun de travailler dans des conditions optimales jusqu’à l’âge de la retraite c’est augmenter le revenu cotisable, éviter la précarité en fin de carrière et prévenir les baisses de pension.
En revanche, la majorité présidentielle incarnée par Emmanuel Macron, Valérie Pécresse des Républicains, Nicolas Dupont-Aignan de Debout la France et Yannick Jadot de Europe Écologie Les Verts sont contre ces mesures populistes.
Vieillissement de la population
Le vieillissement de la population française s’accélère, explique l’INED sur son site Internet, qui pointe « la poursuite de l’allongement de l’espérance de vie et l’arrivée de baby-boomers plus âgés ». Selon les données de l’INSEE, de 1977 à 2017, l’espérance de vie des femmes à naissance augmentée de 7 ans pour les hommes et de 9,5 ans pour les hommes. La candidate républicaine Valérie Pécresse veut repousser progressivement l’âge de la retraite à 64 puis 65 ans « si on veut économiser sur les retraites en vivant plus longtemps, il faut travailler plus longtemps. » Selon la DREES, on comptait environ 1,7 actif occupé par retraité fin 2019, soit un peu plus qu’en 2000.
Cette mesure affecterait l’activité économique en France
Selon l’Institut Montaigne, groupe de réflexion libéral, l’abaissement de l’âge légal de départ à la retraite affectera le dynamisme de l’économie française : « D’un point de vue de l’offre, la mesure réduit le potentiel économique en réduisant la population active ; Quant à la demande, la mesure réduirait le revenu disponible des ménages. L’économiste libéral Nicolas Bouzou affirmait dans une tribune fin septembre : « Notre pays a besoin de beaucoup de croissance économique dans les années à venir. : accroître la mobilité sociale, financer la protection sociale, financer les transitions écologiques, rembourser dette publique… » estime-t-il « l’effort à fournir est énorme ! Il va donc falloir travailler plus collectivement. »
Une mesure populaire
Un argument philosophique partagé par plusieurs candidats est que plus de travail est sain et doit être encouragé. En France, la « valeur travail » a d’abord été proclamée par des partis et des personnalités de droite pendant une décennie. Le 10 novembre, Laurent Pietraszewski, le secrétaire d’État aux retraites et à la santé au travail, déclarait : « Je crois que le travail nous permet fondamentalement de réussir, de construire notre famille, de prospérer. A partir de juin 2019, la durée annuelle moyenne de travail par salarié en France est inférieur à celui des autres pays européens et ceux qui quittent le marché du travail L’âge moyen est inférieur à la moyenne européenne. Un constat qui sème le doute.
Un coût important
Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a rappelé dans un entretien à France 2 en mars que les retraites représentaient un quart des dépenses publiques. Il a estimé que prendre sa retraite à 60 ans coûterait « 40 milliards d’euros supplémentaires par an » et a jugé Marine Le Pen « incohérente » en proposant la mesure tout en prétendant payer la dette publique. Dans une note rendue fin octobre, la Cour des comptes, qui contrôle les dépenses publiques, a jugé que l’absorption du déficit du système de retraite (13 milliards d’euros en 2020) devait être contrôlée par les dépenses de retraite. « Il existe de nombreux paramètres pour y parvenir (âge d’éligibilité à la retraite, dispositifs de préretraite, conditions de retraite à taux plein, indexation des pensions, etc.), mais in fine », ce contrôle « passerait par un abaissement de l’âge de la retraite ou de l’âge de la retraite ».