Présidentielles : Le nucléaire un enjeu phare. Alors que la Commission européenne a accordé un label « vert » au nucléaire et au gaz, malgré les protestations, plusieurs candidats à la présidence ont proposé de relancer l’industrie nucléaire française en construisant de nouveaux réacteurs pour mettre en évidence son faible bilan carbone. A l’inverse, d’autres candidats soutiennent que la part du nucléaire dans le « mix énergétique » s’est réduite depuis les années 2010, invoquant les risques posés par l’exploitation des centrales et le stockage des déchets nucléaires. Décryptage.
L’énergie nucléaire est obtenue par la fission d’atomes d’uranium, un minéral contenu dans le sous-sol terrestre. En France, le développement de cette source d’énergie a commencé en 1945, lorsque le général de Gaulle a créé le Commissariat à l’énergie atomique pour mener la recherche et l’industrialisation de l’énergie nucléaire en France. En 1957, la construction du premier réacteur débute à la centrale nucléaire de Chinon (Indre-et-Loire). « Le programme nucléaire français a démarré en 1970, mais le premier choc pétrolier en 1973 l’a accéléré« , explique Yves Bouvier, historien de l’énergie et enseignant à l’Université de Normandie à Rouen. L’énergie nucléaire représente aujourd’hui 40 % du « mix énergétique » français, c’est-à-dire la répartition des différentes sources d’énergie primaire (fossile, nucléaire, renouvelable) utilisées pour répondre aux besoins énergétiques d’un pays.
Une énergie à risque
Le 11 mars 2011, un tremblement de terre au large du Japon a déclenché un tsunami qui a touché la centrale nucléaire de Fukushima. L’événement a conduit certains dirigeants, comme la chancelière allemande Angela Merkel, à décider de sortir du nucléaire ou d’accélérer son retrait. La catastrophe de Fukushima a également incité plusieurs pays, dont la France, à relever les normes de sécurité des centrales nucléaires. En France, la loi de transition énergétique pour la croissance verte, votée à l’été 2015, vise à faire passer la part du nucléaire dans la production d’électricité de 70 % à 50 % d’ici 2025. Avec la promulgation de la nouvelle loi sur l’énergie, cette échéance a été repoussée à 2035. La plus ancienne centrale électrique française de Fessenheim (Haut-Rhin) en activité est menacée par des tremblements de terre et des inondations et a fermé ses portes définitivement en 2020.
La situation nucléaire en France
La France compte actuellement 56 réacteurs nucléaires en fonctionnement, selon le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français RTE. Deux grands projets sont en cours en France : le réacteur nucléaire de troisième génération (EPR) de Flamanville (Manche), construit par EDF, et le Réacteur Thermonucléaire Expérimental International (ITER) de Saint-Paul-lez-Durance (Bouches-du-Rhône ) , un projet financé par 35 pays visant à produire de l’énergie à partir de la fusion nucléaire. Le 12 octobre, Emmanuel Macron a annoncé son intention de lancer la construction d’un petit réacteur modulaire (SMR), qui a des coûts d’investissement inférieurs à ceux des centrales nucléaires de plus grande taille, avec un budget de 1 milliard d’euros.
En 2020, l’énergie nucléaire représentait plus de 67% de la production d’électricité de la France, selon RTE, alors que seulement 10% de la production mondiale d’électricité provenait de l’énergie nucléaire la même année, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique liée aux Nations Unies. (AIEA). La France est le pays qui détient la plus grande part de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité, suivie par la Corée du Sud, la Russie et les États-Unis. Alors que plusieurs pays ont amorcé la sortie du nucléaire depuis la catastrophe de Fukushima, d’autres ont fait le choix inverse, comme la Chine. Parmi les réacteurs, 20 sont chinois, selon le Agence internationale de l’énergie atomique.
A l’heure actuelle, la majorité présidentielle, Marine Lepen (Rassemblement national), Valérie Pécresse (Les Républicains) et Fabien Roussel (PCF) se sont prononcés en faveur du nucléaire.
L’énergie nucléaire est une source d’énergie à faibles émissions de dioxyde de carbone
Un rapport de 2018 du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat établi par les Nations unies, a évalué une valeur médiane d’émission de CO² de 12 g/kWh (en séparant la moitié supérieure de ses émissions de la moitié inférieure de ses émissions). , y compris l’exploitation minière, le transport des matières premières et la construction de centrales électriques, contre 820 g/kWh pour le charbon et 11 g/kWh pour les éoliennes. Le 18 janvier, la candidate républicaine Valérie Pécresse estimait que le nucléaire est une « énergie décarbonée » qui pourrait permettre à la France d’atteindre son objectif de « zéro émission de carbone d’ici 2050« . Dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat signé en 2015, la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone, c’est-à-dire l’équilibre entre les émissions et les absorptions de dioxyde de carbone de l’atmosphère, d’ici 2050.
Des objectifs de lutte contre le réchauffement climatique à atteindre
Le candidat du Parti communiste français Fabien Roussel estime que l’énergie nucléaire est nécessaire pour produire suffisamment d’électricité en France et que « les énergies renouvelables ne suffisent pas« , comme l’approvisionnement des usines, expliquait-il en mai : « Avec nos niveaux actuels de consommation d’électricité, décarboner avec le solaire et l’éolien est impossible, pour cela on pourrait probablement devoir diviser par 10 ou 20 la consommation. Ces scénarios laissent tous présager une forte croissance des énergies renouvelables. »
Le nucléaire rend la France indépendante énergétiquement
Le 10 octobre, les ministres de 16 États membres de l’UE, dont le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire, ont publié un éditorial en faveur de l’industrie nucléaire, citant son « indépendance de nos sources d’énergie et de production d’électricité« . Comme d’autres pays européens, la hausse des tarifs du gaz et de l’électricité à laquelle la France est confrontée depuis des mois « montre aussi combien il est important de réduire rapidement notre dépendance aux sources d’énergie étrangères« , ont fait valoir les ministres européens dans cette tribune. La France dépend néanmoins des importations d’uranium, la matière première utilisée par l’industrie nucléaire pour produire de l’électricité.
Ce secteur garantit de nombreux emplois
En France, l’industrie nucléaire emploie 220 000 personnes, soit 6,7 % de l’emploi industriel, selon le syndicat de l’industrie nucléaire française GIFN. « L’usine de Fessenheim faisait vivre à elle seule plus de 5.000 personnes jusqu’à sa mise à l’arrêt par un scandale gouvernemental« , assurait la candidate RN Marine Le Pen dans une tribune publiée en janvier 2021.
Les candidats à la présidentielle Anne Hidalgo (Parti socialiste), Yannick Jadot ( Europe écologie les Verts), Philippe Poutou (Nouveau Parti anticapitaliste) et Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) se sont clairement exprimés contre le nucléaire.
Le nucléaire est dangereux
Le 11 octobre, le candidat EELV Yannick Jadot déclarait sur Franceinfo : « Je suis antinucléaire parce que le réacteur va exploser devant nous, souvenons-nous de Fukushima. » Yves Marignac, énergéticien et porte-parole de l’association Négawatt, a souligné : « Le le débat sur le climat et le débat sur cette urgence ont réduit toute la question nucléaire à la capacité de produire ce décarboné… occultant complètement d’autres aspects, comme le risque et les déchets« . « La sûreté et la radioprotection se sont globalement améliorées en 2020« , a déclaré en mai l’Agence de sûreté nucléaire, un groupe indépendant agissant au nom de l’Etat.
Le stockage des déchets nucléaires est complexe
L’ONG Greenpeace a rappelé sur son site que « le nucléaire produit une quantité disproportionnée de déchets« , dont certains sont radioactifs et « dureront des milliers d’années« . Environ 90 % des déchets sont très faiblement radioactifs ou à vie courte. Ils sont actuellement stockés au sol sur trois sites dans la Manche et l’Aube. Le projet Cigéo à Bure dans la Meuse vise à entreposer le plus de déchets radioactifs à 500 mètres sous terre à partir de 2035. Jean-Luc Mélenchon s’oppose au projet : Dans un article publié sur son site internet en janvier 2021, le candidat de La France insoumise soulignait que la durée de vie « radioactive » des « déchets » s’étend bien au-delà de la portée de la vie humaine.
Le coût de l’énergie nucléaire est de plus en plus élevé
Les coûts de l’énergie nucléaire en France augmentent en raison de la hausse des coûts liés à la gestion des déchets, aux futurs investissements de démolition et de maintenance. Les nouvelles centrales produiront encore plus d’électricité : En juillet 2020, la Cour des comptes, l’agence chargée du contrôle des dépenses publiques, estimait que le coût des mégawattheures actuellement que les réacteurs nucléaires EPR devraient produire d’ici fin 2022. Pour Jean-Luc Mélenchon, le chantier EPR de Framanville « illustre à lui seul » le fiasco industriel de la filière nucléaire. « Il a 10 ans de retard. Si jamais cela se révèle, cela coûtera au moins six fois plus que prévu« , a-t-il ajouté.
Les projets nucléaires prennent trop de temps
« L’une des principales difficultés sur les chantiers de réacteurs est l’assemblage des différents composants livrés par les constructeurs. Dans un espace confiné, tant de systèmes doivent être installés autour des cuves, tant de kilomètres de tuyauterie, il faudra bientôt Il y a de la congestion », expliquait Alain Vallée, président du cabinet de conseil aux entreprises NucAdvisor, en 2016. Le 11 octobre, Yannick Jadot condamnait récemment : « On ne mettra pas d’argent aujourd’hui dans des petits réacteurs qui ne seront pas opérationnels avant au moins 20 ans, quand on gagnera ou on perdra la guerre climatique. »