En décortiquant les faits quotidiens des tchadiens, il apparait clairement que le Tchad est en train de vivre une crise très profonde ficelée par des politiciens. Beaucoup de ces derniers ont priorisé le renforcement des barrières ethniques, religieuses et régionales, dans l’unique but d’assoir ou de rechercher le pouvoir à des fins parfois égoïstes, voir excursionnistes. Devant ces pratiques ethnocentristes et égocentristes qui s’apparentent implicitement à l’adage « le bonheur des-uns fait le malheur des autres », l’heure est à la mobilisation des énergies pour rechercher la voix de la raison et renouer avec le vivre-ensemble.
Le choix de l’école comme cadre
En effet, dans le contexte actuel de « surchauffe » de l’esprit des tchadiens, il devient nécessaire voire urgent de choisir après le Dialogue National Inclusif et Souverain (DNIS) un cadre géographiquement, culturellement et socialement accepté de tous où s’exprime mieux la diversité. Un lieu où est exclue toute considération ethnique, religieuse ou politique. C’est dans cette optique que l’école, par son mandat d’éducation et de socialisation, semble être le lieu approprié et indiqué pour résoudre la fracture sociale dont souffre le Tchad depuis des décennies.
Les raisons du choix de l’école dans la reconstruction d’un lien social s’expliquent par son rôle d’évacuer dans l’esprit des apprenants les identités culturelle, régionale ou ethnique pour un meilleur vivre-ensemble tant souhaité par tous. « Lorsqu’on veut détruire un pays, il ne faut pas gaspiller inutilement les munitions mais donner à sa jeunesse une mauvaise éducation pendant un quart de siècle et vous aurez des mauvaises élites qui vont vous détruire le pays comme vous souhaitez » disait un penseur contemporain. Inversement, il faut donner une bonne éducation tournée vers le vivre-ensemble à la jeunesse pendant un quart de siècle et vous aurez des élites consciencieuses de la paix et de l’unité et un pays prospère où règnent l’amour, l’estime de soi et de son prochain.
Face à une fracture sociale, la cohabitation, la solidarité et la coopération au sein de la population font place à la méfiance, à la réticence, à l’exclusion et au rejet. C’est pourquoi, la planification de tout projet de reconstruction sociale dans ce contexte apparaît comme une lourde tâche lorsqu’on a la volonté de lutter contre des vieilles rancœurs, frustrations et peurs afin de créer la confiance, socle de tout rapprochement interindividuel.
Pour y arriver, il faut un lieu où la diversité, la divergence, la différence, la frustration et la colère des belligérants se rencontrent pour faire germer un consensus par des négociations et concessions afin de relancer et refonder selon le cas, les bases d’un « vouloir-vivre-ensemble sans lesquelles il n’y a ni groupe, ni solidarité » Echu, P-J. (2014). Or, pour la réalisation de la volonté d’un « vivre-ensemble » toutes les institutions, en particulier l’école, doivent être mobilisées compte tenu du nombre important des apprenants juvéniles, et de leur capacité d’influencer la société.
Confirmer l’apaisement par l’éducation
Si hier, l’arbre à palabres a été cet endroit pour l’africain en général et pour réconcilier les tchadiens en particulier, aujourd’hui l’école semble être la mieux indiquée pour jouer ce rôle. Elle est un lieu d’acceptation mutuelle, une sorte de négociation anticipée pour contenir la diversité (Abdallah-Pretceille, M.). Son mandat de socialisation et son rôle de normalisation des conduites et des rapports sociaux font d’elle le lieu révélateur de la résolution des conflits sociaux. Elle s’aperçoit alors comme la structure régénératrice du vrai vivre-ensemble au Tchad. En vertu de cette mission de socialisation, il est opportun de retenir que particulièrement l’école a une part dans l’apprentissage du vivre-ensemble, d’une lutte contre l’exclusion et la discrimination, la formation aux valeurs qui fondent la démocratie, l’éducation aux droits de l’Homme et aux responsabilités du citoyen, la construction et la transmission d’une culture commune nécessaire à l’établissement d’un espace démocratique. Une mission toujours valable et nécessaire dans les situations de crises semblables que nous traversons où les erreurs du passé peuvent être évitées par la refonte des programmes, des méthodes et des manuels scolaires, avec la suppression des parties divisionnistes pour augmenter la dotation en capital humain et social. Or, la dotation en capital humain et social est essentielle dans le maintien et l’entretien des rapports fraternels et amicaux dans lesquels, les différences (sexuelle, ethnique, religieuse, culturelle…) sont plus ou moins négligées et totalement bannies.
Dans une société multiethnique, pluriculturelle, en contexte de prémices aux conflits, les pensées et les idées véhiculées par les liens fraternels et amicaux doivent s’assoir sur un modèle culturel commun qui prône des valeurs allant dans le sens de la réconciliation nationale, afin que la mobilisation spatiale de celles-ci ait un impact sur ceux qui les agrandissent par leur adhésion au lien (Echu, P-J.2003). La transcendance des particularismes identitaires par l’enchevêtrement des relations interethniques donnera lieu incontestablement à des ceintures d’alliances qui vont structurer transversalement le territoire tchadien en rapprochant des tribus, des ethnies mêmes lointaines : voilà le rôle que doit jouer l’école tchadienne post Dialogue National Inclusif et Souverain (DNIS).