Jean-Paul Husson (LR) et Claude Raynal (PS) conduisent la mission d’information du Sénat sur la lutte contre la fraude fiscale porte un jugement assez positif sur les actions menées depuis la loi antifraude de 2018. Publié mercredi 26, en toute discrétion, son rapport propose de renforcer le dispositif existant. Les élus parlent alors d’«un arsenal législatif étoffé, une modernisation des techniques». Toutefois, la première problématique soulevée concerne le ministère des Finances; il s’agit de l’absence d’évaluation par ses services. Les sénateurs s’interrogent: «Une question reste sans réponse : l’administration fiscale parvient-elle à récupérer 10 %, 20 % ou 50 % des montants fraudés?». Car, si on connaît les montants récupérés, on ne sait pas à quoi ils correspondent.
Un meilleur contrôle sur l’identité des dirigeants d’une société
La commission appelle ainsi à mieux faire appliquer les sanctions en cas de non-renseignement du registre des bénéficiaires effectifs , qui permettent d’identifier les personnes physiques qui contrôlent directement ou indirectement une société. En 2021, un amendement budgétaire l’an passé le demandait déjà : les sénateurs exhortent le gouvernement à réviser les conventions signées avec les pays (en particulier ceux du Golfe même s’ils ne sont pas nommés) qui prévoient un taux de retenue à la source nul sur les dividendes. Cette brèche est exploitée par les fraudeurs, comme l’a révélé le scandale des «CumEx Files» et dont profitent d’ailleurs beaucoup d’influenceurs qui partent s’installer aux Émirats.
La Chambre Haute veut insister aussi sur la TVA où le manque à gagner pour les finances publiques se compte en milliards. Il propose des outils pour améliorer la collecte aux niveaux national et européen, dans le sillage de la réforme du 1er juillet 2021 (guichet unique de déclaration à l’importation, responsabilisation des places de marché ouvertes à des vendeurs hors de l’UE).
Le point sensible: l’accès aux données en ligne
Ce n’est pas vraiment une nouveauté en soi mais il s’agit de légiférer clairement sur ce point. Ce n’est pas un secret que les agents du fisc scrutent les réseaux sociaux pour vérifier le niveau de vie des contribuables qu’ils soupçonnent de fraude. La mission sénatoriale se penche donc aussi sur la question de l’accès aux données en ligne pour repérer les fraudeurs. Le fisc a lancé une expérimentation jusqu’en février 2024, qui permet aux agents de collecter et exploiter les informations publiées par les utilisateurs de Facebook, Twitter, Airbnb ou Leboncoin, etc. Le problème est que seuls sont concernés les contenus «librement accessibles», qui n’exigent aucune connexion, et non les données «publiquement accessibles», celles auxquelles tout le monde peut avoir accès une fois connecté.
Les élus LR et PS indiquent que «cette distinction, introduite par le Conseil constitutionnel, a considérablement restreint la portée du dispositif». Ils proposent donc d’étendre l’expérimentation aux données publiquement accessibles, et de la prolonger de deux ans, tout en ajoutant des «garanties pour les contribuables (habilitation des agents, conditions relatives à la création du compte, etc.)».