Planification écologique : un gouvernement truffé de brèches. Emmanuel Macron avait promis un grand tournant écologique entre les tours. Si un premier ministre est nommé pour mettre en œuvre le « plan écologique et énergétique », le nouvel organigramme montre des trous énormes et un pedigree surprenant.
La politique qu’il mènera au cours des cinq prochaines années « sera écologique, ou elle ne sera pas écologique », a promis Emmanuel Macron lors de deux séries de meetings à Marseille. Entre autres choses, il s’est engagé à « rénover thermiquement 700 000 logements par an pendant les cinq prochaines années ». Il s’est également engagé à développer « des trains, des vélos, des véhicules électriques pour tous », à investir dans « plus de transports publics » et a même annoncé « une toute nouvelle stratégie pour le rail et les rivières » pour faire sortir les marchandises des camions.
Elisabeth Borne s’est rendue aux Mureaux (Yvelines) pour la première fois en tant que première ministre à partir du 19 mai pour annoncer qu’elle veut mettre le climat « au cœur de toutes les politiques ». Elle a déclaré : « Compte tenu de la marche à tenir, c’est une transformation complète de tout : la façon dont nous produisons, [de] la mobilité, [du] logement. Si nous voulons gagner cette bataille, chaque choix que nous faisons doit inclure cette dimension. »
Problème : Il manque deux ministères. Dans le nouvel exécutif créé vendredi 20 mai, il n’y aura ni ministre du logement ni ministre des transports. Secteur clé de la transition écologique, quelle qu’elle soit, ces portefeuilles n’appartiennent même pas au poste de représentant ministériel ou de secrétaire d’État.
Ils entreront dans les bras d’Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation écologique et de la Cohésion des territoires. Résultat, le ministère tentaculaire est occupé par une femme qui n’a jusqu’ici jamais excellé dans l’engagement écologique.
Le curriculum vitae d’Amélie de Montchalin laisse sous-entendre qu’elle préfère travailler pour des intérêts opposés. Anciennement employée de BNP Paribas (l’une des banques européennes qui financent l’industrie des énergies fossiles), l’économiste néolibérale est non seulement la représentante LREM de l’Essonne, mais une ardente défenseuse de l’abolition de Solidarité (ISF). Elle a également voté contre une interdiction du glyphosate au parlement en 2018.
Deux départements clés manquent à l’appel
Le secteur des transports représente 31 % des émissions de GES et le secteur de la construction 17 %. Ce sont donc les deux secteurs clés pour lancer la lutte contre le changement climatique. Les connaissances et savoir-faire dans ces domaines, ainsi que l’existant, peuvent déjà conduire à des réductions significatives des émissions de carbone : rénovation thermique des bâtiments, autonomie énergétique pour tous les nouveaux bâtiments, densification des réseaux de transports en commun, réparation des voies ferrées abandonnées…
Enfin, ces industries sont marquées par l’injustice sociale dans un pays où les 1 % les plus riches ont une empreinte carbone huit fois supérieure à celle de la moitié la plus pauvre de France. Selon la Fondation Abbé-Pierre, la France compte 12 millions de personnes qui manquent de combustible, c’est-à-dire des ménages qui peinent à payer leurs factures d’électricité et de chauffage.
Chauffage au gaz ou électrique, carburant pour les voitures personnelles dans des territoires enclavés : Quand les prix de l’énergie s’envolent, ce sont les personnes les plus précaires qui sont les plus touchées. Cependant, selon le ministère de l’Economie, l’impact d’une taxe carbone sur les 20% des ménages les plus instables est toujours quatre fois supérieur à celui des 20% les plus riches.
L’agriculture au-delà de l’écologie
Cependant, la suppression de ces deux portefeuilles clés n’est pas la seule bizarrerie que le nouvel exécutif annoncé comme celui de la « planification écologique ». Concernant l’agriculture – un secteur responsable de 19% des émissions de gaz à effet de serre – le ministère a changé son nom en « Agriculture et souveraineté alimentaire ». Compte tenu de la guerre en Ukraine, l’appropriation d’un mandat avant le second quinquennat de Macron — un concept né des luttes paysannes et des cercles altermondialistes dans les années 1990 — n’occulte pas le fait que le ministère fonctionne toujours à l’écart, le gouvernement actuel annoncé pour la transformation écologique.
Le nouvel exécutif ignore d’ailleurs l’effondrement de la biodiversité. Pourtant, c’est un facteur majeur du bouleversement écologique en cours, et en plus de lutter contre l’artificialisation des sols, la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires en agriculture est l’un des leviers. Emmanuel Macron lui-même s’est engagé à interdire le glyphosate « d’ici trois ans » à partir de 2017.
A ce jour, l’insecticide est encore largement utilisé en agriculture, même avec la réintroduction temporaire des abeillecides néonicotinoïdes dans la culture de la betterave sucrière à l’été 2020. Le président tiendra-t-il parole sous le deuxième mandat ? Le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, qui travaillait à la chambre d’agriculture du Loir-et-Cher – le département de la Beauce racheté à un céréalier de l’agro-industrie – n’a pas annoncé ses objectifs dans ce dossier.
Lundi, la première visite du nouveau directeur général marquée « écologie », a été révélée à cet égard : la Première ministre Elisabeth Bohn, Amélie de Montcharin et la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runach se sont rendues au Muséum national d’histoire naturelle de Paris pour communiquer avec « l’Association française pour la protection de la biodiversité ». Marc Fesneau n’était pas présent.
Date des tests
Trois dates vont bientôt se concrétiser pour cette éco-politique quinquennale. Tout d’abord, livrer un nouvel exemplaire de la politique agricole commune (PAC) en français. Le projet proposé par le ministère de l’Agriculture cet hiver a en effet été rejeté par Bruxelles. La version française ne respecte pas plusieurs des engagements environnementaux de l’UE : elle s’aligne sur le soumissionnaire minimum environnemental du syndicat d’agriculteurs FNSEA. Le gouvernement français fournira une copie à Bruxelles dans les prochaines semaines.
Débat sur le budget d’automne, donc. Durant sa campagne, Emmanuel Macron s’est engagé à investir 10 milliards d’euros supplémentaires par an dans la rénovation énergétique des logements, les transports décarbonés, ou encore le soutien à la transformation écologique de l’agriculture. Le débat sur le budget 2023 sera l’occasion de tenir cette promesse, même si l’Institut pour l’économie du climat (I4CE) estime que les montants annoncés sont encore insuffisants pour l’action climatique.
Enfin, le Plan Energie Climat est attendu en 2023. Ce serait un excellent texte pour le début d’un quinquennat sur le changement climatique. Son passage d’ici mi-2023 devrait booster les ambitions climatiques du pays, qui se traduiront ensuite par des mesures concrètes dans la nouvelle Stratégie Energie Climat. La stratégie comprend le Plan pluriannuel énergie climat (PPE), la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC). Il y a tellement de dimensions dans la planification énergétique.
Un énorme retard climatique
Sur tous ces dossiers pourtant, la France a aggravé ses énormes retards durant le premier quinquennat de Macron. C’est l’unique pays européen à ne pas atteindre son objectif en matière d’énergies renouvelables d’ici 2020. Selon un récent rapport de la Cour des comptes européenne, la France subventionne plus les nocives énergies fossiles, particulièrement polluantes que les énergies renouvelables.
De plus, le système MaPrimeRénov mis en place en 2020 a été conçu pour aider les Français à isoler leur logement, mais n’a pas suffisamment amélioré l’empreinte carbone des bâtiments. La Cour des comptes a relevé à ce sujet que seuls 2.500 logements sont sortis du statut de passoire thermique l’an dernier, au lieu des 80.000 prévus pour 2021.
Quant au mix énergétique nécessaire pour faire face au changement climatique, les ambitions du nouveau gouvernement peuvent ici être remises en cause. Agnès Pannier-Runacher, ministre chargée de la transition énergétique, a des vues arrêtées sur le nucléaire. En octobre dernier, elle a été qualifiée de « menteur » sur France Inter, ceux qui ne voient pas en l’atome une énergie incontournable pour faire face au chaos climatique – jetant au passage à la poubelle tous les scénarios scientifiques qui démontrent qu’un mix énergétique 100 % renouvelable est soutenable.
Sa nomination cadre parfaitement avec les ambitions atomiques du second quinquennat de Macron, qui commencera par une avancée historique : la décision de relancer la construction d’un réacteur nucléaire pour la première fois depuis la fin des années 1990. EDF fait face à de sérieuses difficultés techniques et financières, tant sur son projet d’EPR que sur sa centrale existante.
La moitié des centrales nucléaires françaises sont actuellement fermées, avec seulement 28 des 56 réacteurs en fonctionnement. Douze d’entre eux ont été touchés par de graves problèmes de corrosion dans les canalisations importantes pour la sécurité de l’usine. Les températures caniculaires ont également rendu plus difficile le refroidissement du réacteur, avec le risque de devoir fermer d’autres installations cet été. Par conséquent, la planification des six réacteurs EPR2 dans le futur se heurtera immédiatement à des réalités industrielles et économiques difficiles, ainsi qu’à d’énormes problèmes environnementaux.
« Les personnalités choisies manquent de poids politique, réagit vendredi Greenpeace dans un communiqué. Eux et elles sont de purs macronistes, sinon des croyants aveugles aux chimères de la croissance verte et aux technologies inexistantes. Pas toujours des expériences concrètes avec leurs thématiques ou enjeux mondiaux. (… ) Ainsi, cette combinaison montre le manque de crédibilité du président de la République, bien qu’il continue d’attaquer des éléments de langage et de discrédit écologique. »
Mais les jeux ne sont pas encore terminés. A trois semaines des élections législatives, l’espérance de vie de ce gouvernement risque d’être très limitée. Après de multiples critiques des secteurs de l’habitation et des transports depuis vendredi, le nouvel exécutif ne veut de toute façon pas fermer les portes.
S’exprimant à l’issue de la première réunion lundi, la porte-parole Olivia Grégoire a assuré : « Il y aura certainement de nouvelles figures au sein du gouvernement dédiées aux transports, au logement, etc., sous la direction directe du premier ministre. Sous la tutelle de la ministre Amélie de Montchalin ». Conseil des ministres de l’agriculture FNSEA. Le gouvernement français fournira une copie à Bruxelles dans les prochaines semaines.
Mais qu’est-ce que c’est que cet article à charge !
Ça commence fort: « Le curriculum vitae d’Amélie de Montchalin laisse sous-entendre qu’elle préfère travailler pour des intérêts opposés. » : belle affirmation quasi insultante !
et ça continue: « Agnès Pannier-Runacher, ministre chargée de la transition énergétique, a des vues arrêtées sur le nucléaire. En octobre dernier, elle a été qualifiée de « menteur » sur France Inter, ceux qui ne voient pas en l’atome une énergie incontournable pour faire face au chaos climatique… » Ah, parce qu’elle a été traité de menteuse sur France Inter par des anti-nucléaire dogmatiques, c’est que ça doit être vrai ? vous reprenez à tranquillement à votre compte cette qualification de « menteur » alors que les « menteurs » sont plutôt ceux qui veulent nous faire croire que l’on peut se passer du nucléaire pour limiter notre consommation d’énergies fossiles !
et pour ceux qui pouvaient avoir encore un doute, vous y allez de votre diatribe anti-nucléaire à travers des affirmations parfaitement contestables sur le refroidissement des réacteurs !
Par contre, ce que vous ne dites pas, c’est que grâce au nucléaire, la France est un des pays qui émet le moins de CO2 très loin devant les Allemands qui, par pure dogmatisme, ont remplacé le nucléaire par du charbon et du gaz….russe !
Et je pense que le pire est quand vous citez Greenpeace qui reproche aux ministres leur manque de poids politique. Pour Greenpeace, il aurait fallu que Macron nomme à ces ministères clés en matière d’écologie…des écologistes avec une belle étiquette verte et accessoirement rouge dans le dos !
On a bien vu ce que cela a donné avec Hulot, et pas grand monde serait prêt à affirmer que les écolos d’EELV seraient capables de faire avancer la France dans ce domaine.
Et puisque vous citez le rapport de la Cour des comptes européennes qui indique que la France « subventionne » plus les énergies fossiles que les énergies renouvelables contrairement à l’Allemagne, il aurait fallu préciser que le nucléaire n’émet pas de CO2 et que les subventions le concernant ne sont pas prises en compte, et il aurait fallu également vous demander pourquoi, malgré ses gros efforts financiers en faveur des ENR, l’Allemagne émet 4 fois plus de CO2 que la France !
Enfin, il ne vous aura pas échappé, pour peu que vous l’ayez lu, que ce rapport préconise un renchérissement conséquent du cout des énergies fossiles ce qui semble contradictoire avec le fait que les industries fortement émettrices de CO2 « sont marquées par l’injustice sociale dans un pays où les 1 % les plus riches ont une empreinte carbone huit fois supérieure à celle de la moitié la plus pauvre de France. »
Tout cela pour dire que ces problématiques importantes ne se prêtent pas vraiment à une présentation simpliste et politiquement orientée des faits.
Attendons de voir si les belles paroles de Macron vont être mises à exécution. La France est la lanterne rouge en matière d’écologie mais elle est la lanterne rouge sur beaucoup de points avec le paradoxe d’être des donneurs de leçon.
La priorité absolue, c’est effectivement la fin de l’agression russe contre l’Ukraine. Malheureusement, les pays occidentaux ne sont pas innocents dans ce problème. Et le fait de vouloir faire adhérer à l’OTAN des pays limitrophes de la CEI n’est pas, à mon humble avis, une bonne idée. Ça va mettre encore davantage d’huile sur le feu. Écologie, oui et oui ! Mais la paix, vite !! En priorité !
Je répondais à Franky. Placée ici ma réponse paraît « hors sujet ».
Tout le monde le savait, macron est un clown et sa cour des guignols…
Mais voilà le mal est fait, et cette fois ce qui nous attend va faire très mal.
si tout le monde savait pour Macron-clown, pourquoi a-t-il été réélu président?????????
je suis d’accord avec vous mais franchement qu’est-ce que les français ont dans la tête?
dans le pantalon? ça me démonte !!
De toute façon le contexte actuel avec la guerre en Ukraine notamment change la donne sur toute prévision d’amélioration de notre économie post Covid et transition écologique. Autant je ne crois pas du tout à l’efficacité de cette dernière autant l’une inimité ne pouvait que s’améliorer. La guerre aux portes de l’Europe remet tout en question avec l’impact inéluctable sur le pouvoir d’achat.