Présidentielle : Le fiasco Taubira. Cela n’a surpris personne lorsque Christiane Taubira a annoncé son retrait de la campagne présidentielle, faute de parrainages suffisant. Retour sur un fiasco sans précédent.
Son annonce était attendue : Christiane Taubira a annoncé mercredi qu’elle se retirerait de la course à l’Élysée deux jours avant la date limite pour envoyer les signatures de 500 élus au Conseil constitutionnel. Ce jour-là, la candidate de gauche a remarqué depuis son QG de campagne qu’elle n’était pas en mesure de valider son ticket pour le premier tour de l’élection présidentielle, avec seulement 181 parrains au total à ce stade. « Malgré la très forte mobilisation des bénévoles et ma campagne, et malgré les promesses non tenues de nombreux élus, force est de constater que nous ne pourrons pas réunir 500 parrains », a-t-elle déclaré. L’ex-candidate a pour l’instant refuser d’appeler à voter pour un autre candidat de gauche.
L’ancien garde des sceaux n’a pas été en mesure d’unir son camp depuis l’officialisation de sa candidature à la mi-janvier, même si elle s’était fixé l’objectif d’atteindre les 500 parrainages l’automne dernier. Calendriers risqués, sondages exténuants, projets critiqués et mal soutenus… L’info au quotidien décrypte pourquoi Christiane Taubira a échoué dans sa campagne.
Parce que sa déclaration est arrivée tardivement, après des mois de retard
La petite musique d’une déclaration de candidature à la présidentielle revenait sans cesse depuis l’automne 2021. Après avoir hésité plusieurs mois, l’ancien gardien des sceaux a finalement pris le risque en deux temps. D’abord, le 17 décembre, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, elle avait annoncé qu’elle prenait « en considération pour être candidat à la présidence de la République française« . Puis, un mois plus tard, le 15 janvier, elle officialise sa candidature lors de son premier meeting de campagne à Lyon.
Mais à seulement trois mois du premier tour, l’ancienne députée guyanaise était déjà loin derrière ses rivales à gauche. Bientôt ces dernières, comme la socialiste Anne Hidalgo ou l' »Insoumis » Jean-Luc Mélenchon, n’avaient pas hésité à condamner cette « candidature de plus ». « C’est un personnage qui se croit providentiel. Mais elle a disparu de la vie politique depuis six ans alors que le reste de la gauche se bat toujours pour gagner les élections intermédiaires comme les municipales ou les régionales » ,avait à l’époque martelé un ténor du PS, assurant que Christiane Taubira avait reçu « des dizaines d’appels de la gauche responsable pour la dissuader de s’y rendre« .
Parce qu’elle était seule dans la Primaire populaire
Ce fut son tremplin, le tremplin de sa candidature à l’Élysée. Hélas, la primaire follement populaire ne permettra pas à l’ancien garde des sceaux de légitimer sa candidature dans une gauche déjà fragmentée. Elle a rencontré les organisateurs du référendum à plusieurs reprises en octobre et novembre. « Elle pense que c’est le seul moyen pour la gauche de se remettre dans le jeu« , a déclaré l’un de ses partisans, Christian Paul. Le processus des primaires populaires a semblé s’accélérer début décembre, alors qu’Anne Hidalgo et Arnaud Montebourg ont annoncé leur volonté de soutenir un candidat unique. Les choses ont été très différentes début 2022. Arnaud Montebourg a arrêté sa campagne mi-janvier par manque de motivation, tandis qu’Anne Hidalgo a déclaré qu’elle continuerait à courir quel que soit le résultat principal. Christiane Taubira était désormais la seule à soutenir l’initiative. Fin janvier, l’ancienne ministre de la Justice remporte d’ailleurs cette investiture informelle.
Forte de sa victoire à la primaire populaire et de ses appels répétés à une coalition de gauche, Christiane Taubira espérait réussir dans les sondages, qui lui avaient donné environ 5% des voix en janvier. C’est l’inverse qui s’est produit en février : Les sondages ont montré que sa maigre base électorale s’estompait, avec une moyenne comprise entre 1 % et 2 % le mardi 1er mars. « Elle a été choisie pour rebondir et on a du mal à savoir quelle est sa feuille de route », déplorait Samuel Grzybowski, l’un des porte-parole d’une primaire populaire à la fiscalité française.
Parce que son projet est très critiqué et controversé
Les attaques se sont concentrées sur son absence de programme un jour après avoir dès le lendemain de sa candidature à l’Élysée. Face à un candidat de premier plan à gauche, Christiane Taubira n’a pas su faire entendre sa voix dans cette course présidentielle. Même ses propositions les plus fortes, comme revaloriser le SMIC à 1.400 euros net, rétablir les taxes sur les grosses fortunes ou baisser la TVA sur les produits issus de l’agriculture biologique à 0%, pour « favoriser l’accès à une alimentation saine et de qualité« , elle fut incapable de sortir de l’ombre et de laisser un impression favorable dans l’opinion publique.
L’ambiguïté de la candidate quant à sa position sur la vaccination contre le Covid-19 a également eu un impact négatif sur sa candidature. Fin septembre 2021, l’ex-ministre François Hollande avait annoncé qu’elle n’avait « pas l’intention d’appeler le peuple guyanais à se faire vacciner« . Une déclaration que la candidate va traîner comme un boulet tout au long de la campagne, malgré de multiples tentatives de clarification.
Autre échec qui n’est pas passé inaperçu durant cette campagne éphémère : Son intervention le 2 février sur le thème du logement de la Fondation Abbé-Pierre. A la question de savoir si le Revenu de Solidarité Active (RSA) était susceptible d’augmenter, la figure du mariage pour tous a été jugée incapable de donner une réponse définitive à la question.
Parce que sa collecte de parrainage est restée floue
Ce fut la défaite finale de la campagne, l’empêchant de fait de se présenter à la présidence dans moins de 40 jours : Christiane Taubira n’a pas réussi à obtenir suffisamment de parrainage d’élus pour se présenter au premier tour. Dans son discours de sortie mercredi, l’actuelle ex-candidate a insisté sur le caractère « dépassé » du fonctionnement du système à l’élection présidentielle, par opposition à la primaire populaire. « Cette candidature, ancrée dans le civisme, est freinée par une manœuvre administrative » qui « arrive à son dernier souffle« , a-t-elle fustigé ces partis « qui n’ont plus que leur capacité de nuisance ».
Durant cette campagne, il fut un temps où Christiane Taubira comptait sur les élus du Parti de la gauche radicale (PRG) pour soutenir sa candidature afin de booster les taux de popularité. Les difficultés d’engouement pour l’après-primaire ? Pas moins de « 170 PRG parrainés d’élus locaux seront diffusés la semaine prochaine, rassurez-vous« , confiait début février Guillaume Lacroix en soutien à Christiane Taubira. Lundi 14 février, jour de la Saint-Valentin, le PRG a marqué la fin de l’idylle, se « mettant en retrait » de cette campagne, face à l’échec des rassemblements de gauche.
Deux semaines plus tard, le seuil décisif des 500 signatures était trop loin, et la candidate a jeté l’éponge. « Honnêtement, je ne vois pas ce qu’elle peut faire d’autre« , a déclaré Samuel Grzybowski, qui l’a soutenue pendant un mois. Accusations des partis de gauche, attaque contre le clientélisme… Christiane Taubira a raté. Trois mois après avoir promis qu’elle mettrait « tout (son) pouvoir dans la dernière chance pour l’union de la gauche.«