
Collège-Lycée Notre-Dame de Bétharram ©Capture d’écran France 3
L’affaire de Bétharram, du nom de ce collège-lycée catholique béarnais, est un exemple criant des failles du système éducatif français, où l’inertie institutionnelle a permis à des abus de perdurer pendant des décennies. Au centre de cette affaire, les plaignants, au nombre de 150 aujourd’hui, sont nombreux à pointer du doigt le Premier ministre, élu local à l’époque des faits. Ils visent aussi l’Éducation nationale depuis plusieurs mois. Ce dossier met en lumière une politique de l’autruche de près de trente ans face à des signalements de violences, d’agressions sexuelles et de viols dans cet établissement privé catholique des Pyrénées-Atlantiques. Plus de 150 anciens élèves ont témoigné des abus subis entre 1955 et 2004, période durant laquelle l’établissement était sous contrat avec l’État et donc, théoriquement, soumis à son contrôle.
Le silence assourdissant des responsables politiques de l’époque
Si François Bayrou, dont les enfants étaient scolarisés dans cet établissement et dont la femme enseignait le catéchisme a dit «ne rien savoir de cette affaire» à l’Assemblée nationale, il n’est pas le seul à se défausser de ses responsabilités. Ainsi, ceux qui étaient à la tête de l’Éducation nationale dans les années 1990 affirment ne garder aucun souvenir des signalements concernant Notre-Dame de Bétharram. Par exemple, Jean-Marc Monteil, recteur de Bordeaux de 1997 à 2000, déclare n’avoir jamais été informé des violences, malgré une plainte en 1996 et une inspection qui avait conclu à l’absence de brutalités systémiques.
Cette inspection, réalisée sur une journée, n’avait pas permis de révéler l’ampleur des abus. Lionel Jospin, ministre de l’Éducation nationale de 1988 à 1992, ne s’est toujours pas exprimé sur la question. En 1998, une nouvelle enquête judiciaire visait l’ancien directeur de l’établissement, le père Silviet-Carricart, pour des faits de viol. Mis en examen et brièvement écroué, il se donnera la mort en 2000. Malgré la gravité des accusations et la médiatisation de l’affaire, aucune mesure significative n’a été prise par l’Éducation nationale. Les signalements ultérieurs, en 2005 et entre 2011 et 2013, ont également été classés sans suite.
Une affaire étouffée qui revient au pire moment pour Bayrou
L’affaire de Bétharram révèle une culture de l’étouffement au sein de l’Éducation nationale, où les déplacements de personnels mis en cause étaient monnaie courante. La circulaire de Ségolène Royal en 1997, rappelant l’obligation de signaler tout crime ou délit, n’a pas suffi à enrayer ce phénomène. En effet, il a fallu attendre juin 2024 pour que le ministère de l’Éducation nationale demande un renforcement des contrôles dans les établissements privés sous contrat. Une inspection est prévue à Notre-Dame de Bétharram le 17 mars 2025, près de trois décennies après les premières alertes. Cette affaire n’est malheureusement pas un cas isolé. D’autres établissements privés en France font face à des accusations similaires, révélant un passé où les violences éducatives étaient courantes. Les témoignages d’anciens élèves d’établissements comme Notre-Dame du Sacré Cœur à Dax ou Saint-François-Xavier d’Ustaritz montrent que les abus n’étaient pas l’exception mais bien la règle dans certaines écoles.