Ce samedi 25 mai, après une semaine de procès, le verdict de la cour d’assises du Loiret est tombé. L’ancien prêtre d’Orléans, Olivier de Scitivaux de Greische, 64 ans, est reconnu coupable de « l’ensemble des faits de viols et agressions sexuelles aggravées » (selon l’Agence France Presse) sur quatre garçons mineurs, de 7 à 9 ans, entre 1990 et 2010. Il écope de 17 ans de réclusion criminelle avec une période de sureté de 10 ans. La cour a ajouté un suivi socio-judiciaire, une obligation de soins, l’interdiction d’exercer une activité (professionnelle ou non) près de mineurs.
Il a reconnu les faits
L’ancien prêtre – de retour à la vie laïc à sa demande – a reconnu les faits pendant le procès, « Je reconnais, puisqu’il faut utiliser les mots, les attouchements, les caresses, les fellations, les pénétrations digitales et péniennes, l’ensemble des faits. » et s’est excusé auprès de ses victimes « Encore pardon à tous ceux que j’ai blessés. Pardon à ma mère, à mes frères, mes sœurs, à tous ceux avec qui j’ai travaillé. Je ne sais pas s’ils pourront me pardonner, mais j’en fais la demande. »
Les paroles glaçantes des victimes
Les quatre victimes reconnues, trois frères et un ami, maintenant des hommes de quarante ans, se sont présentés tour à tour à la barre, pour raconter leur calvaire. Me Clémence Lemarchant utilise le mot de « gangrène » pour qualifier l’ex-prêtre. En effet, le prêtre a côtoyé longtemps la famille des victimes, déjeunant et dormant chez eux. Les faits se seraient d’ailleurs déroulés au domicile alors que les parents dormaient au rez-de-chaussée.
Le cadet a vitupéré : « Regardez bien ses mains, ce sont dans ses mains que j’ai éjaculé la première fois, ce sont ses mains qui donnent l’eucharistie » devant une salle d’audience silencieuse.
Le benjamin a précisé certains des sévices, expliquant « [qu’il y] pass[ait] toutes les semaines, tous les jours, tous les soirs », « le moment où il a utilisé des outils sur mon corps », « il m’a rasé ».
Son avocat fustige une peine trop lourde
Alors que l’avocat général demandait une peine de 18 ans de prison, Me Damien Brossier, l’avocat d’Olivier de Scitivaux, demandait que la peine soit moins lourde pour que ce dernier, déjà âgé de 64 ans, puisse s’occuper de sa mère de 86 ans. Il a en effet déclaré pendant sa plaidoirie « On ne peut pas être condamné à 64 ans comme on l’est à 37 ans. C’est une peine d’élimination que vous avez demandé. 18 ans, ça veut dire qu’on se projette nulle part. Quand on tue toute forme d’espoir, on tue symboliquement un homme, et ça peut ne pas être que symbolique. »
La cour n’a pas tenu compte de cet argument. Me Damien Brossier a fustigé ce parti pris : « Je pense que malgré vous, vous avez mis un rejet, une morale qui impactent le montant des réquisitions. Ce que je vous demande, c’est de ne pas le condamner pour des faits pour lesquels il n’est pas poursuivi. C’est à votre raison qu’on fait appel, pas à vos émotions. » En effet, si le procès fait suite à la plainte de quatre hommes, l’accusé avait aussi avoué pendant le procès des viols et agressions sexuelles sur deux autres victimes dès 1982. Cependant ces faits tombent sous le joug de la prescription. D’ailleurs Me Damen Brossier avait utilisé cet argument lors de sa plaidoirie : « Ces 18 années, pour moi, ne sont pas acceptables. Il ne s’agit pas de l’accabler, il ne s’agit pas de le charger. Il est à terre et vous lui marchez dessus. S’il était poursuivi, non pas par quatre personnes, mais par plus, combien auriez-vous requis ? »
L’Église dans la tourmente, un désastre qui aurait dû être évité
Le prêtre a reconnu les faits et précisé « Quand il n’y en avait pas un de disponible, il y avait le deuxième ou le troisième ».
Olivier de Scitivaux a été reconnu comme étant un « manipulateur ». Il fut aussi rappelé que des signalements avait commencé à être faits dès les années 1980, dans des courriers de famille ou par des animatrices de l’aumônerie. L’Église n’a rien fait, jusqu’au signalement de Mgr Jacques Blaquart en 2018. Un avocat des parties civiles, Me Edmond-Claude Frety, dénonce « l’anatomie d’un désastre ».
En effet, depuis plusieurs années l’Église catholique est accusée d’avoir fermé les yeux sur les cas de pédocriminalité en son sein. Un rapport d’octobre 2021 rapporte qu’en France en 70 ans environ 330.000 personnes ont été agressées au sein de l’Église lorsqu’elles étaient mineures.
Fera-t-il appel ?
L’ancien prêtre a reconnu les faits, demandé pardon aux victimes et a ajouté « qu’il accepterait la peine quelle qu’elle soit. » Or, si ce dernier décidait de faire appel, comme semble l’indiquer Me Damien Brossier, cela remettrait en cause sa reconnaissance des faits et ses excuses. Jerome Clément-Wiltz explique à la sortie du tribunal : « M. de Scitivaux a été capable d’avouer des centaines de viols et d’agressions sexuelles sur des mineurs de moins de quinze ans. Il s’est engagé à respecter la sentence de la cour. S’il venait à faire appel, ça voudrait dire remettre en cause la sincérité de son repentir, ce qui serait pour moi une nouvelle blessure. »
L’ex-prêtre et son avocat ont dix jours pour faire une demande d’appel.