Le mouvement du convoi de la liberté arrive en France. Après Ottawa au Canada, serait-ce au tour de Paris ? Les opposants aux mesures sanitaires venus de toute la France se sont réunis samedi dans la capitale. Les premiers convois devraient partir ce matin.
Une idée du Canada
Partis de Nice (Alpes-Maritimes), des opposants à la politique sanitaire du gouvernement en matière de Covid-19 participent au « convoi de la liberté ». Ils avaient quitté Brignoles en direction d’Aix-en-Provence.
Les opposants aux restrictions sanitaires veulent organiser un « convoi de la liberté » sur les routes de France, inspiré des récentes mobilisations observées en Amérique du Nord. La capitale du Canada, Ottawa, est en effet saturée depuis des jours, avec des camions bloquant les rues et klaxonnant. En France, des manifestants se sont rassemblés à Paris samedi 12 février. Voici ce que l’on sait de ce mouvement naissant mais déjà très actif sur les réseaux sociaux.
Une campagne sur les réseaux sociaux
La mobilisation s’est inspirée du mouvement canadien « Freedom Convoy 2022 », rappelant les débuts du mouvement français des « gilets jaunes » fin 2018. Cela vient aussi des réseaux sociaux. Des citoyens de tous horizons ont été appelés à « retourner Paris » samedi 12 février, notamment pour protester contre les carnets de vaccination. Contrairement à la campagne actuelle à Ottawa (Canada) ou encore à Wellington (Nouvelle-Zélande), où des centaines de camions entourent actuellement des bâtiments officiels, la version française vise la capitale, mais aucun emplacement précis n’a été actuellement diffusée. Depuis fin janvier, plusieurs pages Facebook ou groupes dédiés à l’organisation de ce convoi ont vu le jour. Mardi midi, le plus important, baptisé « Freedom Convoy », rassemblait plus de 270 000 membres. D’autres pages « dissidentes », parfois régionalisées, existent également. Chaque voyage organisé depuis Brest, Perpignan, Lille ou Strasbourg et rendez-vous à Paris a désormais sa propre page Facebook. Des groupes de discussion ont également été créés sur l’application de messagerie sécurisée Telegram. Mardi midi, le « Convoi France Officiel » comptait plus de 24 000 abonnés.
A l’image des « gilets jaunes », afin de promouvoir leur cri de ralliement, les participants ont également prononcé des discours en direct sur Facebook, YouTube, Twitch et d’autres plateformes… Le 4 février, deux porte-parole du mouvement « French Escort » ont été invités à participer dans sur « Putsch Media », une chaîne YouTube dont l’animateur est également chroniqueur à RT France. L’un d’eux s’est confié sur des revendications désagréables : « Restauration des droits fondamentaux, respect du référendum, accès inconditionnel aux soins, à l’éducation, à la culture et respecter les valeurs fondamentales de notre Constitution. »
Des routiers en faible nombre
Doit-on aussi s’attendre à une file interminable de camions comme le Canada? A priori, non : contrairement aux mobilisations transatlantiques, les poids lourds devraient jouer un rôle moins important en France. C’est ce qu’a confirmé Florian, un chauffeur rhônalpin, qui l’a interrogé sur le média « gilet jaune » Vécu. Considéré comme l’un des porte-parole de « l’Équipe de France », ce dernier a admis que « les routiers seront minoritaires dans la flotte » et que « ce n’est pas un mouvement des camions ». Le principal syndicat du secteur du transport routier affirme également n’avoir rien à voir avec le mouvement. « Nous sommes inclus dans un mouvement et donc n’avons rien à voir. Ils utilisent l’imagination du pouvoir de la flotte pour arrêter qui je ne sais qui ou ce que je ne sais quoi », a expliqué à Libération Christophe Denizot, secrétaire de la Fédération des Transports Routiers SUD-Solidaires depuis longtemps.
De plus, les restrictions sanitaires qui s’appliquent au transport routier sont différentes en France qu’en Amérique du Nord. En France, les conducteurs ont le droit de voyager entre les pays et peuvent dîner dans les relais routiers sans certificat de vaccination. Au Canada, des obligations de vaccination sont imposées aux conducteurs étrangers en provenance des États-Unis depuis la mi-janvier. Les conducteurs canadiens doivent également être vaccinés pour voyager aux États-Unis.
Des dirigeants d’horizons divers
Le nombre de dirigeants est passé au premier plan. Rémi Monde poste depuis des semaines des vidéos live rythmant plusieurs pages Facebook. Activement mobilisé contre les laissez-passer sanitaires depuis l’été 2021, il a partagé sur son réseau des visuels mettant en avant Didier Raoult, Louis Fouché ou encore le documentaire controversé Hold-Up. Par le passé, entre autres profils lui appartenant, Rémi Monde s’est impliqué dans la cause des « gilets jaunes » proche de Nuit Debout en 2016 et s’est mobilisé sur les enjeux de défense de l’environnement. Selon nos informations, Rémi Monde est le pseudonyme de Rémi B., un ancien entrepreneur du sud de la France spécialisé dans la vente de produits destinés au reboisement des forêts incendiées, ou de produits formés à la dépollution au sein des entreprises. région.
D’autres personnages sont apparus. Maria C. se présente comme porte-parole du mouvement Convoi France. Infirmière dans les Hautes-Alpes, elle s’est fait remarquer sur le plateau de l’antenne locale BFM pour avoir dénaturé le Covid-19. Elle s’entretient souvent avec Marissa, une autre porte-parole de campagne proche du collectif « Reinfo Covid ». Et, en regardant la liste des admins du groupe Facebook, le lien vers la page « gilet jaune » saute aux yeux. À de rares occasions, les internautes à l’origine de certaines pages Facebook sont également proches de l’extrême droite. Par exemple, le deuxième groupe « Convoi pour la liberté » rassemble plus de 2 200 internautes et est géré par une personne qui fait la promotion d’Eric Zemmour sur un compte personnel.
Convois organisés dans toute la France
Du nord au sud et d’ouest en est, la liste des villes concernées par le mouvement s’allonge d’heure en heure. Le premier convoi est parti pour Paris mercredi matin. Mieux vaut prévoir son temps, en fait, car le principe est à chaque fois le même : « Partez sur un réseau secondaire et roulez à 50 à 80 km/h ». Sur les réseaux sociaux, les internautes s’échangent de nombreuses feuilles de route. Tous les points de départ, y compris la date, l’heure et l’adresse exacte, sont répertoriés sur le site convoys.fr. Il ne contient aucune mention légale, signature ou contact. Les arrivées sont prévues vendredi à 20h pour « une soirée de partage et de joie en solidarité avec les citoyens ». Par ailleurs, « ceux qui le souhaitent » peuvent rejoindre la Belgique dimanche pour la « Fusion européenne » prévue le lundi suivant à Bruxelles.
Les autorités se concentrent sur le mouvement
À Ottawa, la situation était tellement « hors de contrôle » que le maire Jim Watson a finalement déclaré l’état d’urgence dans sa ville. En France, la mobilisation qui se prépare est surveillée de près. « Aujourd’hui, nous n’avons aucune information que notre organisation soit grande », a déclaré mardi matin le ministre de l’Intérieur. Cependant, Gérald Darmanin a ajouté sur BFMTV que « les moyens » pour empêcher de tels blocages sont importants.
La police a assuré mardi que « la préfecture de police recevra des informations sur l’opération, qui seront remontées du renseignement territorial pour évaluer le phénomène ». Et confirmé qu' »il est trop tôt pour savoir si cela sera suivi ». « Le mouvement n’est soutenu par aucune organisation syndicale et il reçoit probablement peu d’attention », poursuit la même source. Le cas échéant, « il y aura bien sûr un dispositif de détection des accès bloqués à l’Ile-de-France et à la capitale et un dispositif linguistique ». La police a « tranquillement » arrêté un convoi d’une trentaine de manifestants qui tentaient de rejoindre la capitale en véhicules lundi matin entre l’Essonne et la Seine-et-Marne.
Près de 7 200 policiers et gendarmes mobilisés en trois jours pour faire respecter l’interdiction de manifester. Le dispositif, qui sera déployé dans la capitale, a été dévoilé par la préfecture de police à l’arrivée des manifestants.