Présidentielles : le grand remplacement de Pécresse fait glisser le débat vers la droite extrême . C’était le grand discours de ce début de la campagne présidentielle. La candidate républicaine Valérie Pécresse n’a cessé de solliciter le souvenir de Jacques Chirac, dont elle a été la conseillère en 1998 et à travers son mari la Corrèze, l’antique terre de résistance. Mais la présidente de la région Ile-de-France se distingue de l’ancien président de la république sur un point fondamental : ses attaches à l’extrême droite. Facile d’évoquer la confrontation de Chirac avec Jean-Marie Le Pen en 2002 qui avait décrit ‘une barrière infranchissable’ entre l’extrême droite et la droite républicaine ! Valérie Pecresse lors de son grand meeting de dimanche installe une échappatoire dangereuse pour ceux qui croient en la théorie du complot d’extrême droite de la « Grand Remplacement ».
Valérie Pécresse emprunte une rhétorique à l’extrême droite
Face à 7 500 militants, la candidate a proclamé « pas de décès, ni de rétrogradation majeure, ni de remplacement majeur« . Ballottant entre sa propre ligne européenne libérale et la ligne nationaliste très à droite d’Eric Ciotti, ces dernières semaines en raison des poussées ponctuelles d’Emmanuel Macron, et parfois contre Eric Zemmour (Guillaume Pelletier), que Valérie Pécresse a emprunté dans ses discours à d’autres classiques de l’extrême droite : « La France des cathédrales » ou encore une forte référence à l’auteur catholique Charles Page, repris par le régime de Vichy. Ces clins d’œil à l’extrême droite, ces appels aux électeurs LR tentés par les votes Zemmour, sont frustrants à gauche, mais aussi frustrants à droite, certains cadres LR parlent déjà de « naufrage ».
« C’est une étape supplémentaire franchie par la droite, qui aurait pu être cette droite républicaine, mais qui prend une référence de l’extrême droite, le signe sans doute pour Valérie Pécresse d’une course éperdue derrière Marine Le Pen et Eric Zemmour», a déclaré la candidate PS Anne Hidalgo. « On a déjà deux candidats d’extrême droite, on n’a pas besoin d’un troisième« , a fustigé Olivier Faure, le premier secrétaire du PS.
« Je veux retrouver la Pécresse du Congrès »
« Pécresse s’est positionnée comme l’héritière de Chirac, critique de l’aile droite de LR… Aujourd’hui, elle embrasse (d’un souffle) la rhétorique et les concepts de son rival, Eric Zemmour. LR n’a plus de boussole« , a déclaré Lydia Guirous une ancienne républicaine porte-parole . Même au QG de la candidate, les petites phrases du meeting ont mal tourné. Xavier Bertrand et Jean-François Copé étaient en colère lors d’une réunion stratégique. « Il faut bien faire comprendre que le grand remplaçant, ce n’est pas nous. Ce ne sont pas les candidats de synthèse qui vont gagner, mais les candidats de foi. Je veux retrouver la Pécresse du Congrès ! », a fustigé M. Bertrand aux candidats. « Il faut que tu marques la barrière avec les extrêmes.« , lui a expliqué l’ancien patron. Valérie Pécresse « a emprunté la sémantique et les idées d’Eric Zemmour et a commis une erreur stratégique majeure. Cela a créé une sorte de permis de voter Zemmour pour les électeurs de droite », s’extasie Guillaume Peltier…
Un discours controversé
Valérie Pécresse est depuis revenue sur son discours. » Cette phrase que j’ai prononcée est une phrase que j’ai répétée dix fois, et tous les commentateurs qui la reprennent ont des mémoires de bigorneau. J’ai dit dix fois dans la primaire de la droite que je ne me résignais ni au grand remplacement ni au grand déclassement. Cela veut dire que je ne me résigne pas aux théories d’Eric Zemmour, aux théories de l’extrême droite, parce que je sais qu’une autre voie est possible. C’est ce que j’ai dit [dimanche], et tout le monde me fait dire le contraire, « se plaint la candidate. Avant d’ajouter » l’extrême droite, c’est pas ma droite. Je fais une frontière étanche avec l’extrême droite».
Un débat à droite possible
Il n’en demeure pas moins qu’il complète un débat de droite bien réel en utilisant l’expression complotiste du « grand remplacement » comme si c’était une réalité établie que nous pouvons combattre, plutôt qu’un fantasme d’extrême droite. Un tournant majeur s’est opéré à l’automne, avec la médiatisation d’Eric Zemmour d’une part lors de sa tournée de dédicaces alors qu’il n’était pas encore candidat, et d’autre part, sur les chaînes d’information en continu. Il y a un déséquilibre dans la diversité des invités, et même un traitement spécial pour les familles politiques, au-delà de l’extrême droite ; le CSA publie également un avis officiel sur la chaîne, reléguant les discours sur la France gouvernementale et rebelle à la nuit… Claire Sécail, chercheuse au CNRS, a également montré que dans l’émission de Cyril Hanouna, Touche pas à mon poste, Eric Zemmour bénéficiait de 45% du temps d’antenne des séquences politiques.
Menace sur la République
Incarnant principalement son discours sur le grand Remplacement, Eric Zemmour a finalement imposé l’idée que c’était une réalité. A tel point qu’en octobre, un sondage interactif Harris dévoilait que plus de six Français sur 10 pensaient que ce phénomène se produirait. Le grand remplacement est principalement considérés comme un risque, avec 77% des contributeurs LR et 9 contributeurs RN sur 10+ pensant que cela se produira… Autre exemple d’opinions de droite pointées par la Fondapol en mai dernier dans une étude « Le basculement des valeurs de droite des Européens » menée en France,en Italien, en Allemagne et au Royaume-Uni. Parmi ces pays, l’auto-positionnement arrive en tête à droite : 38% des Français tendent à voter à droite (+5 points depuis 2017). 63% des Français pensent que leur pays devrait être davantage fermé à l’immigration, et 62% des citoyens pensent que l’islam constitue une menace pour la république.
Pourtant, dans la dernière enquête Ipsos/Sopra Steria publiée récemment, l’immigration n’était qu’au quatrième rang des priorités françaises, loin derrière le pouvoir d’achat (52%), la santé (30%) et l’environnement (29%).