Affaire Damien Abad, l’épineux problème pour le gouvernement. L’affaire Damian Abad a mis la majorité d’Emmanuel Macron dans une situation délicate puisqu’il l’a été promu ministre. Mais elle a aussi interpellé son ancien parti, Les Républicains, et plusieurs élus se disent prévenus depuis longtemps. Difficile solution à un épineux problème…
Cette question est posée de front. Mardi, à l’occasion d’un comité stratégique, l’élue Rachida Dati a interpellé Christian Jacob, le patron des Républicains (LR). L’ancienne Ministre de la Justice a demandé pourquoi le parti n’avait pas signalé au procureur de la République s’il avait été informé de Damien Abad.
Jacob a assuré à ses troupes qu’il n’avait jamais été officiellement saisi par une femme qui prétendait être une victime. En l’absence de faits concrets ou de contact direct avec le plaignant, celui-ci était simplement le destinataire de rumeurs dans le couloir sur des comportements potentiellement problématiques. Mais, selon le leader de droite, il a interrogé à plusieurs reprises au sujet de Damian Abad, qui aurait été remis en cause en raison de l’un de ses comportements douteux.
Les langues se délient à droite depuis que Mediapart a révélé des allégations de viol contre le nouveau ministre d’Emmanuel Macron. En particulier dans les rangs de LR, qui présidait un groupe à l’Assemblée nationale. « On a entendu dire qu’il avait une relation un peu douteuse avec les femmes, des flirts lourds et insistants », a assuré un député, qui préfère rester anonyme. Un autre lui a dit en discutant avec un collègue ces derniers jours aurait dit : « Tu ne sais pas ? On en a fait une blague.«
D’autres élus interrogés par Mediapart ont eu une impression nuancée que c’était essentiellement des rumeurs abjectes. De 2009 à 2012, le maire de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), Philippe Juvin, a partagé un siège au Parlement européen avec Damien Abad pendant trois ans : « c’est compliqué, reconnait-il. On dit toujours « tout le monde le sait » et puis on se rend compte que ce n’est pas le cas. Cela fait un an et demi que j’ai intégré le comité stratégique de LR [l’instance de direction du parti – ndlr] et je n’en ai jamais entendu parler. «
Le député du Vaucluse Julien Aubert a dit à peu près la même chose. « Je n’ai jamais été témoin ni averti de ce comportement« , a déclaré celui qui siège avec le nouveau ministre à l’Assemblée nationale depuis 2012. De même, dans le cas de Gérald Darmanin, le journaliste m’en a parlé. Pour Damian Abad en revanche, je ne fais clairement pas partie des personnes disposant d’informations sur ses relations avec les femmes, à part une plainte classée sans suite en 2017. »
Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, également connu pour être un proche de Damien Abad, a déclaré mardi n’avoir eu connaissance que de « plaintes terminées il y a des années sans suite ». « Je n’ai pas cherché à le savoir, reconnaît le député cité plus haut. Ce n’est pas un sujet qui m’intéresse. » Philippe Juve a également plaidé avec indifférence : « Cette réputation, qui n’a rien à voir avec moi, je ne l’ai jamais creusée.«
Le bruit dans le couloir en question a été nourris en deux épisodes, selon plusieurs membres de l’équipe LR du Palais Bourbon. Le premier a débuté en mars 2017, lorsque Closer a publié une information selon laquelle « un député » « proche de François Fillon« , alors candidat à l’élection présidentielle, aurait fait l’objet d’une plainte pour viol. Le nom de Damian Abad n’apparaissait pas dans l’article du magazine people, mais des rumeurs se sont rapidement répandues selon lesquelles il s’agissait de lui.
« Comme tous les militants de droite, j’ai entendu des rumeurs sur sa relation non consensuelle avec une fille, ce qui a alarmé l’adjoint du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont. Mais nous n’avons pas obtenu de plainte et aucune preuve pour le prouver. » L’existence de telles plaintes a refait surface en octobre 2019 lorsque Damien Abad était candidat à la présidence du groupe LR. Plusieurs appels téléphoniques ont été passés par des députés hostiles à sa candidature, rappelant à la mémoire collective la plainte qui existe. Un extrait de la plainte aurait alors circulé.
Le second épisode est récent, relaté dans Libération par le député Pierre-Henri Dumont et confirmé par Mediapart. Fin 2020, Damien Abad tient des propos « extrêmement vulgaires, sexistes » sur l’un des collaborateurs du groupe lors d’un dîner dans les bureaux du groupe LR après une réunion. Le collaborateur est placé sous son autorité immédiate. Selon le député Dumont, la scène a été appuyée et une rupture entre le président du groupe et plusieurs de ses élus semblait alors évidente.
Elle n’a cependant fait l’objet d’aucun signalement ou plainte, dont plusieurs députés LR ont affirmé n’avoir pas entendu parler. Interrogée, Sylvie Gil, secrétaire du groupe LR au parlement, a déclaré n’avoir « jamais témoigné d’actes répréhensibles« .
Rumeurs, plaintes classées sans suite et scènes avec peu de témoins : Dans la formation de droite, la raison de l’absence de réaction formelle des partis est l’absence d’élément tangible. Le président LR Christian Jacob avait assuré au Point avoir évoqué « des rumeurs de plainte » avec Damien Abad avant de s’exprimer à nouveau au comité stratégique mercredi. Il lui aurait assuré qu’il s’agissait de fausses rumeurs et qu’il n’avait « jamais été traduit en justice« .
Aurélien Pradié, secrétaire général et numéro 3 du parti, a déclaré à Mediapart que le président du groupe parlementaire a été « forcé » de l’affronter dans le deuxième épisode, le dîner au Palais Bourbon. « Il m’a dit que ce n’était pas vrai et il s’était excusé« , a expliqué l’élu du Lot.
Pour le secrétaire adjoint LR Pierre-Henri Dumont, « le parti a fait ce qu’il avait à faire« . « Damien a menti à Christian Jacob, a poursuivi le député de Calais. En dehors de ces deux faits, nous n’avons pas de retour concret à lui confronter. Pour des raisons personnelles, la collaboratrice concernée à l’assemblée a refusé de témoigner. Nous avons dus respecter les désirs de cette femme. »
Hostilité de principe à #MeToo
Hormis les révélations contre Damien Abad, ou les précédentes condamnations pour viol d’une autre figure de droite, Gérald Darmanin ou l’ancien ministre Georges Tron… Au-delà des révélations de culpabilité, la droite rechigne souvent à s’emparer des révélations sur le sexisme et les violences sexuelles, préférant se référer à justice et plaider la présomption d’innocence des personnes impliquées.
Le sujet #MeToo lui-même a été discrédité par de nombreux membres du parti : il a souvent été critiqué comme un déballage dangereux de la démocratie, ou comme un « tribunal médiatique » plutôt que judiciaire. Concernant la continuité de la tribune médiatique, le secrétaire général de LR Aurélien Pradié a également publié en novembre 2021 : « Cette condamnation bourgeoise de la violence me gêne. »
Pendant la campagne présidentielle, la sortie de la candidate Valérie Pécresse au sujet du journaliste Jean-Jacques Bourdin – et une enquête préliminaire qui a suivi a été classée sans suite pour prescription – a suscité en interne un certain mécontentement. « La loi du silence est révolue« , a-t-elle promis. Des semaines plus tard, la présidente de la région Ile-de-France insiste enfin sur les risques des « femmes malfaisantes » face au mouvement #MeToo.
Seules quelques voix montaient en amont. Notamment celui de l’élue parisienne, et conseillère régionale, Nelly Garnier. Selon le titre du livre de Camille Kouchner (Seuil, 2021) sur l’inceste, elle s’est présentée à nouveau sur France 5 lundi 23 mai, qualifiant le monde de la politique la « grande famillia« .
« Nous sommes une famille, nous sommes une structure, a lancé l’élu d’Ile-de-France. Qui va briser le silence ? […] Quand on voit cette accumulation d’affaires, j’ai le cœur plein de colère. Faut il hurler à un moment donné pour qu’on entende que l’environnement politique est propice au sexisme et aux violences sexuelles, à la domination masculine sur les femmes ? […] A un moment donné, les femmes parlent et les victimes parlent, mais si ceux qui tiennent le système ne brisent pas le silence, nous sommes encore dans cette atmosphère d’omerta. […] C’est à ceux qui sont au sommet du système de briser le silence. »
Mais à droite, de nombreux dirigeants, hommes et femmes confondus, croient encore que leurs courants politiques sont à l’abri de ces révélations en cascade qui semblent toucher davantage la gauche.
L’année dernière, Constance Le Grip MP, membre de LR, nous avait confié qu’« un esprit d’homme de droite se tient à l’écart de certaines pulsions ». « A droite, nous ne sommes pas occupés par la culture libérale, nous sommes un peu coincés« , a-t-elle déclaré.
Le député Julien Aubert a également évoqué une « nouvelle génération » d’élus de droite et un changement de mentalité. « Quand je suis arrivé, j’ai fait la connaissance de cette génération de vieilles célébrités locales, un peu graveleuses parfois« , avoue-t-il. Aujourd’hui, ce n’est pas vraiment l’ambiance. Tout ce que nous avons entendu dans le passé ne passerait pas. »
Des procédures qui n’existent pas
Méfiance à l’égard de #MeToo, croyance en la survie, environnement et tolérance au sexisme : tous ces facteurs expliquent pourquoi Les Républicains n’ont pas mis en place de cellule de veille ou d’alerte au sexisme et aux violences sexuelles. « Depuis que je suis à LR, je ne me souviens pas avoir entendu parler de la moindre procédure contre qui que ce soit« , a confirmé Philippe Juvin, membre des instances du mouvement. Je ne sais pas comment l’expliquer. Je suppose que tout est confidentiel. »
« Je ne fais pas du tout confiance à ces systèmes« , avait répondu Aurélien Pradié en novembre 2021. Selon lui, « plus c’est organisé, plus vous aurez des accords, plus vous passez à côté du vrai problème ». Il a ajouté : « J’y ai toujours pensé comme un moyen d’acheter la conscience. C’est avant tout une question de volontarisme politique. »
« Je ne suis pas sûr que ce soit une question de procédures internes, soutient Julian Aubert mais pas vu comme proche de la direction du parti. C’est bien que ça existe ailleurs, mais ça ne veut pas dire que les gens ne vont plus se montrer. »
Pierre-Henri Dumont, membre de la direction du parti, a balayé l’insensibilité de la droite à l’émancipation des femmes. « Nous ne pouvons pas être poursuivies », déclare l’élue. Nous sommes encore celles qui font des démarches à l’Assemblée nationale contre les violences faites aux femmes, celles qui proposent des femmes à la présidence… Nous prenons ces questions très au sérieux. »
Rue de Vaugirard, le sujet est géré directement par Aurélien Pradié. « Trois fois nous avons placé sur le banc des individus gravement soupçonnés (non condamnés) de violences sexuelles et sexistes », assurait le numéro 3 du parti, fin 2021. Ce sont des élus, des responsables politiques, ils ont la responsabilité politique à qui il a été demandé de prendre du recul. En attendant, aucun nouveau dossier ne lui sera transmis.
Sur les trois alertes, l’une concerne l’ancien président de la jeunesse LR Aurane Reihanian, qui quittera ses fonctions en 2021 : il aurait agressé sexuellement deux femmes – dont l’une a porté plainte. Après une pause, Reihanian a pu profiter des élections municipales de 2020, tandis que le juge annonçait sa destitution. Il est actuellement élu municipal d’opposition à Bourg-en-Bresse et candidat aux élections législatives.
Je trouve curieux que l’affaire ne sorte qu’une fois la personne nommée ministre. Pourquoi n’en avions pas entendu parler avant? Pourquoi la femme refuse-t-elle de porter plainte, ce qui retire toute justification de la dénonciation? Dans ce dossier comme dans d’autres comment faire la part des choses?
Nous avons vraiment besoin d’un code de conduite à mettre en place. Les femmes doivent être claires et faire connaitre les aggressions dont elles sont victimes tout de suite et publiquement. Cela donnerait à réfléchir à ceux qui escomptent sur leur silence pour continuer à sévir impunément; à la longue les procédures permettraient de dépister également les dénonciations calomnieuses et opportunistes.
C’est notre société en entier qui doit sortir de ce marasme car de l’église en général, aux orphelinats, aux colonies de vacances jusque dans le monde du travail ou des sphères politiques,(et je ne parle pas des familles) c’est culturel et ça fait peur. C’est toujours parole contre parole.
On sait bien dépister les détournements de fonds (ou tout autre délit bien identifié) pourquoi ne saurions nous pas faire un vrai ménage dans nos comportements pour éviter d’être victimes de viols ou de harcèlements ou victimes de calomnie, et pour éviter de déplorer l’impunité des prédateurs faute de dossier bien construit.
En fait on constate une réelle absence de pédagogie, d’éducation comportementale, issue d’un pudibonderie religieuse qui n’a plus lieu d’exister. Une vraie lacune sociétale qui nous salit tous.
« Pierre-Henri Dumont, [;;;]. « Nous ne pouvons pas être poursuivies », déclare l’élue. Nous sommes encore celles qui font … » : problème de genre ? Pierre Henri Dumont est-il une femme ou l’article s’est -il trompé de personne ?
le voilà votre gouvernement macron qui connaissait les faits, les français bien pensants! Tous disent que les femmes affabulent, non, il n’y a pas de fumée sans feux!!!