Interrogé sur le nom de ce Conseil, le Président avait expliqué que, pour lui, «nous vivons un temps comparable. Nous sommes dans une ère historique qui impose de changer profondément de modèle». Il avait ajouté dans sa lettre d’invitation que l’objectif du CNR était de «laisser de côté les querelles partisanes pour répondre aux urgences du pays et aux grandes transformations du monde, sociales, énergétiques, écologiques et numériques au premier chef». Difficile comparaison avec la reconstruction de la France de l’après 1945!
Prévu pour le 8 septembre, qui sera là?
Si Macron s’imaginait en de Gaulle, manifestement, il n’avait pas son Jean Moulin pour unir les forces du pays. Peut-être aussi que les enjeux qu’il perçoit sont largement surévalués par rapport à ceux de la Seconde Guerre mondiale. En effet, il est demandé aux participants de réfléchir sur des sujets aussi vastes que l’autonomie, l’éducation ou les services publics. Une manière de « partager les diagnostics à l’échelle de la nation sur des grands enjeux », selon le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran.
À quelques jours de la réunion qui se tiendra à Marcoussis, le CNR prend le chemin d’un simple conciliabule réunissant un petit carré de soutiens du Président. Hors de la macronie, les cartons d’invitation à l’inauguration ne suscitent que fins de non-recevoir côté politiques. Côté opposition, c’est un refus catégorique à l’unanimité de LFI au RN. À gauche, les quatre partis composant la Nupes (LFI, PS, EELV, PCF) ont déjà assuré qu’ils ne prendraient pas part aux discussions.
Comment éviter l’humiliation?
Évidemment, si Macron avait fait preuve de réalisme et avait retenu son envie permanente de spectacle dans la gravité, il aurait plus appelé à une réunion de travail à l’Élysée avec les responsables des partis politiques, des syndicats, de la société civile comme ce fut le cas sous le précédent mandat mais aussi sous ses prédécesseurs. La déclaration de Sandra Regol, EELV, résume bien toutes les autres: «Si c’était une véritable rencontre de travail, on y serait allés. Mais là, ça résonne plutôt comme un outil de communication. On ne voyait pas l’intérêt de s’y rendre». Car, en effet, le CNR ressemble plus à un écran de fumée sans aucun fond destiné à mettre Macron en avant dans une crise aux multiples facteurs qui le dépassent complètement.
C’est un camouflet pour l’exécutif. Gérard Larcher, Président du Sénat (LR), y voit même un outil quasi antidémocratique. Il craint: «le risque de confusion» et «les incertitudes qui demeurent sur (le) rôle véritable» du CNR. Il y voit une «forme de contournement du Parlement». Élisabeth Borne se retrouve en mauvaise posture et n’a d’autre choix que de «laisser la porte ouverte, a posteriori, aux récalcitrants». Mais l’exécutif peine à défendre la légitimité de cet organe qui se voulait l’incarnation de la «nouvelle méthode» (autoritaire?) de Macron. D’autant plus qu’il faut reconnaître qu’installer le CNR dans le paysage politique semble d’autant plus compromis que les doutes portent bien au-delà des classiques oppositions politiques.