
Le Sénat, Paris ©Wikimedia Commons
Le Sénat a voté lundi 12 mai une proposition de loi portée par la droite sénatoriale visant à exclure les associations des centres de rétention administrative (CRA). Le texte, adopté par 227 voix contre 113, prévoit de confier l’assistance juridique des étrangers retenus à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Il s’agit d’un établissement public sous tutelle du ministère de l’Intérieur. Bruno Retailleau, à l’origine de l’initiative, défend cette réforme. Il l’a juge nécessaire pour «garantir la neutralité» des interventions et «réduire le militantisme anti-expulsions».
Des associations jugées beaucoup trop militantes
Ce changement de cap intervient alors que plusieurs structures assurent ces missions depuis des décennies. La Cimade, présente dans les CRA depuis les années 1980, est aujourd’hui accompagnée de Solidarité Mayotte, France terre d’asile, Forum réfugiés et Groupe SOS. Ensemble, ces associations interviennent dans 25 centres à travers le territoire. Selon le cadre légal actuel, elles conseillent les personnes retenues sur leurs droits, les aident à rédiger des recours et assurent la liaison avec des avocats. Pour Bruno Retailleau, cette organisation est devenue incompatible avec les objectifs de politique migratoire. Il accuse certaines associations de détourner leurs missions pour «entraver l’action de l’État» par pur militantisme.
L’OFII en première ligne pour encadrer l’assistance juridique
Le projet prévoit que les agents de l’OFII assurent à l’avenir les missions d’information juridique et d’accompagnement. Didier Leschi, directeur général de l’établissement, affirme que ses équipes agiront «dans le respect de la loi, avec impartialité et indépendance». Il s’agit selon lui d’un recentrage administratif, plus cohérent avec les objectifs de l’État. Le ministère table également sur une économie budgétaire évaluée à 6.5 millions d’euros, soit 0.4% du coût total de la politique d’éloignement. Ces fonds pourraient être réaffectés à l’OFII.
Mais les critiques sont nombreuses. Le sénateur communiste Ian Brossat accuse le gouvernement de vouloir «réduire le nombre de recours» en affaiblissant la défense juridique des étrangers. Selon lui, le projet constitue «une atteinte grave à l’État de droit». Pour Mathilde Buffière, responsable rétention chez Groupe SOS, la mission d’information actuelle exige une présence quotidienne dans les CRA. Elle alerte sur les délais très courts pour contester une décision. Elle indique qu’il faut 48 heures pour un éloignement et 24 heures pour un recours devant le juge judiciaire. Sans relais associatif, ces délais pourraient difficilement être respectés, selon France Info.
Une réforme controversée mais assumée par l’exécutif
Bruno Retailleau défend sa réforme en rappelant que plus de 90% des personnes retenues sont aujourd’hui considérées comme une menace pour l’ordre public. Il souligne également que près de la moitié des retenus sont libérés par le juge. Selon lui, cela traduit une faiblesse de l’action publique face à l’immigration irrégulière. Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, la sénatrice LR Marie-Carole Ciuntu dénonce l’idéologie supposée de certaines structures. Elles sont accusées de «discours incompatibles avec l’idée même du renvoi». Le projet doit désormais être examiné à l’Assemblée nationale. Les débats à venir s’annoncent vifs.