
Ahmed al-Charaa ©Wikimedia
Le président syrien par intérim, Ahmed al-Charaa, effectue ce mercredi à Paris, à l’invitation d’Emmanuel Macron, son premier déplacement en Europe. La visite de l’ancien djihadiste, critiquée par une grande partie de la classe politique, intervient alors que les exactions contre les minorités se sont multipliées en Syrie, laissant planer de sérieux doutes sur sa capacité à contrôler les éléments les plus radicaux de sa coalition d’islamistes et de djihadistes, qui renversa Bachar el-Assad le 8 décembre dernier.
En annonçant mardi sa venue à Paris, l’Élysée soulignait qu’Emmanuel Macron «redirait le soutien de la France à la construction d’une nouvelle Syrie, une Syrie libre, stable, souveraine et respectueuse de toutes les composantes de la société». Le chef de l’État rappellera «ses exigences vis-à-vis du gouvernement syrien, au premier rang desquelles la stabilisation de la région et notamment du Liban, ainsi que la lutte contre le terrorisme», ajoutait l’Élysée.
Un terroriste islamiste devenu un dirigeant controversé
Ahmed al-Charaa, ancien djihadiste rattaché à al-Qaïda, a pris le pouvoir en Syrie à la tête du groupe rebelle HTC. Sa visite en France suscite la controverse, mais le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, estime qu’il «serait irresponsable» de «ne pas engager le dialogue» avec les nouvelles autorités syriennes. En janvier, Ahmed al-Charaa avait rencontré Jean-Noël Barrot et la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, au palais présidentiel de la capitale syrienne. Il s’agissait de la première visite de hauts responsables européens dans le pays depuis la chute de Bachar al-Assad.
La diplomatie française ne nourrit aucune illusion à son égard. «Il sera un autocrate à la sauce moyen-orientale, avec une coloration islamiste», confiait un diplomate de haut rang. Mais Emmanuel Macron indiquait au Figaro, lors de sa visite récente en Égypte, être «pragmatique». Paris reconnaît qu’al-Charaa est l’homme le plus influent de Syrie. «Il faut lui donner une chance, son échec n’est pas une option», fait-on valoir au Quai d’Orsay.
Des tensions internes persistantes
Les dernières violences contre la minorité druze ne font qu’alimenter les doutes sur la capacité d’al-Charaa à rassembler la mosaïque syrienne. Le sort des djihadistes français sera également évoqué. Une centaine – 300 avec leurs familles – est en liberté dans la province d’Idlib. Al-Charaa a assuré à la France qu’ils étaient «sous contrôle», mais son intention de leur accorder la nationalité syrienne inquiète.
Cette visite n’a pas été coordonnée avec les partenaires européens et est très critiquée par les États-Unis. Effectivement, d’après nos confrères du Figaro et de CNews, la visite d’Ahmed al-Charaa ne semble pas avoir été coordonnée avec les partenaires européens de la France. «Le sujet n’a pas été abordé par le représentant français lors de la dernière réunion à Beyrouth des chefs de mission des pays européens à Damas», regrette l’un d’eux.