Le Président français, dans son discours devant l’Assemblée générale des Nations Unis, a commencé par une déclaration solennelle: « Je souhaite que nous engagions enfin la réforme du Conseil de sécurité ». Il a été rejoint par son homologue américain Joe Biden, qui a lui aussi appelé à « augmenter le nombre de membres permanents et non permanents » de cette instance de l’ONU chargée du maintien de la paix et de la sécurité internationale. Le Conseil de sécurité des Nations unies est en effet composé depuis 1945 de cinq membres permanents, les États-Unis, la France, la Russie, la Chine et le Royaume-Uni, dotés de l’arme nucléaire et d’un droit de veto, et de dix membres non permanents, élus pour deux ans et sans droit de veto.
Une instance peu représentative en 2022
Comme l’indique Christian Lequesne, chercheur à Sciences Po CERI, cette instance a été Conçue sur un principe d’efficacité et non de représentativité, calqué sur «l’équilibre des forces existant en 1945, et non en 2022». Elle est régulièrement paralysée par le droit de veto dont usent – et abusent – ses membres à chaque crise internationale. Depuis le début de la guerre en Ukraine, la Russie a par exemple bloqué plusieurs résolutions, empêchant par exemple l’envoi de casques bleus dans le pays ou l’adoption de sanctions. Paradoxalement, les russes risquent d’ailleurs de bloquer de la même façon toute réforme du Conseil de sécurité qui irait à son encontre: la Charte des Nations Unies stipule en effet que chaque réforme doit être acceptée par la majorité des deux tiers des Membres de l’Assemblée générale de l’ONU et par «tous les membres permanents du Conseil de sécurité».
La réforme demandée par Macron est relativisée par l’expert car elle est même s’il était possible d’obtenir l’unanimité du Conseil de sécurité, «une réforme est un processus de moyen voire long terme, qui prend du temps. L’annonce de Macron et de Biden est donc plutôt une façon de prendre date, un rendez-vous avec les pays du Sud.» Il est important de savoir qu’elle est inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’ONU depuis des décennies, la demande de réforme du Conseil de Sécurité est en effet portée avec force par les pays du Sud et le Japon, qui lui reprochent son manque de représentativité géographique.
Un regard vers le Sud et le monde tel qu’il est aujourd’hui
Il est donc étonnant de voir que le continent africain n’est en effet pas représenté au sein du Conseil alors que la majorité des opérations de maintien de la paix de l’ONU se déroule aujourd’hui sur son territoire. L’Inde, le Japon, le Brésil et l’Allemagne réclament également une place permanente au Conseil de sécurité en soulignant depuis 2005 l’importance de leurs contributions financières à l’ONU.
Selon Christian Lequesne, les propositions de Macron et de Joe Biden interviennent donc à un moment choisi alors que les revendications des pays du Sud se renforcent et que leurs relations avec l’Occident sont tendues. Il dira: «Au début de la guerre en Ukraine, de nombreux pays n’ont pas souhaité s’aligner contre la Russie et prendre le parti de l’Occident, remarque le chercheur. Mais il semble que les positions des puissances du Sud bougent vis-à-vis de la Russie : l’Inde, par exemple, était restée neutre, mais on sent qu’elle est en train de changer de position depuis la tenue du sommet de Samarcande . Je pense que c’est pour cela que Biden et Macron évoquent maintenant une réforme du Conseil de sécurité. C’est une façon de tendre la main, contre les influences de la Chine et de la Russie. Mais ce ne sera pas pour demain.»