
Rachida Dati / Affaire Engie
L’ancienne eurodéputée et actuelle ministre de la Culture se retrouve au cœur d’une polémique après les révélations conjointes de « Complément d’enquête » et du « Nouvel Obs ». Des documents comptables révèlent des flux financiers entre GDF Suez (aujourd’hui Engie), un cabinet d’avocats et Rachida Dati, soulevant de sérieuses questions sur d’éventuels conflits d’intérêts que cette dernière a toujours fermement niés.
Des transactions financières troublantes dévoilées
D’après les informations obtenues par les médias d’investigation, Rachida Dati aurait perçu deux versements de 149 500 euros en 2010 puis en 2011. Une coïncidence troublante : ces sommes lui auraient été versées par un cabinet d’avocats peu après que ce même cabinet ait reçu des montants identiques de la part de GDF Suez.
Les documents comptables révèlent un schéma précis : le 29 juillet 2010, GDF Suez verse 149 500 euros au cabinet d’avocats. Moins de trois mois plus tard, le 25 octobre, ce même cabinet effectue un paiement de 149 500 euros à Rachida Dati avec la mention explicite « DATI HONORAIRE GDF SUEZ ». Un scénario similaire se serait reproduit en février 2011.
Des dénégations répétées face aux soupçons
Positions au Parlement européen sous surveillance
Durant son mandat d’eurodéputée, plusieurs observateurs s’étaient étonnés des positions de Rachida Dati sur les questions énergétiques. Corinne Lepage, qui siégeait également au Parlement européen, avait notamment relevé des prises de position favorables au secteur gazier.
« Elle se fait le porte-parole des énergéticiens pour attaquer sévèrement les énergies renouvelables, soutenir le gaz de schiste, et plus encore elle va reprendre quasiment mot pour mot les déclarations de Gérard Mestrallet », s’étonnait Corinne Lepage.
Ces positions avaient conduit les Amis de la Terre à interpeller le Parlement européen, qui avait ouvert une pré-enquête en 2014.
Audition et défense dans le cadre de l’affaire Ghosn
Lors de son audition dans le cadre de l’affaire Carlos Ghosn en 2020 et 2021, Rachida Dati a été directement interrogée sur ses éventuels liens avec GDF Suez. Face aux magistrats qui évoquaient des notes manuscrites de son assistante mentionnant « GDF », elle avait répondu : « Cela, je n’en ai aucune idée, je sais juste qu’elle écrit au kilomètre ».
Elle avait également affirmé avec assurance : « J’ai peu de clients, peu de contrats, je les connais et ceux-là [GDF Suez et Areva] n’ont jamais été mes clients. »
Le rôle trouble de Xavier de Sarrau et les connexions politiques
Au cœur de cette affaire figure également Xavier de Sarrau, fondateur du cabinet d’avocats impliqué et proche de Nicolas Sarkozy. Ce dernier aurait accompagné Rachida Dati lors d’un rendez-vous avec Gérard Mestrallet, alors président-directeur général de GDF Suez.
Si de Sarrau a confirmé avoir assisté à une rencontre, il aurait déclaré aux magistrats ignorer « si ces contacts avaient abouti à des contrats ».
Des déclarations officielles remises en question
Témoignage du Parlement européen
Daniel Freund, qui a participé à la pré-enquête du Parlement européen, se souvient précisément des propos tenus par Rachida Dati : « Elle nous a dit qu’elle ne travaillait pas pour Gaz de France et que ces allégations étaient fausses ».
Il ajoute qu’elle affirmait travailler sur « des questions de violences familiales et de droit des femmes » mais « surtout pas des sujets industriels, gaz ou énergie ».
Défense officielle et transparence
Dans ses déclarations officielles au Parlement européen et à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP), Rachida Dati a bien mentionné ses revenus d’avocate, mais n’a jamais indiqué d’intérêts financiers susceptibles d’influencer l’exercice de ses fonctions.
Suite aux révélations médiatiques, elle a réaffirmé n’avoir « aucun conflit d’intérêts, sinon ça se saurait » et que « GDF n’est pas son client ».
Dans un communiqué diffusé par ses avocats, elle « tient à souligner que ses activités d’avocat et ses revenus sont déclarés au Parlement européen conformément au règlement et cela depuis le début de son mandat sans qu’aucun incident ne soit intervenu. Il n’a jamais existé et il n’existe absolument aucun conflit d’intérêts entre son activité et son mandat de député européen. »
Face aux sollicitations de « Complément d’enquête », ni Rachida Dati, ni ses avocats, ni Gérard Mestrallet, ni le cabinet d’avocats concerné n’ont souhaité répondre.