
Hémicycle du Sénat ©Sénat.fr
Le sénateur socialiste Éric Kerrouche a déposé une proposition de loi visant à empêcher l’organisation d’un référendum sur l’immigration par le Rassemblement national en cas d’accession au pouvoir. L’élu PS souhaite interdire l’usage de l’article 11 de la Constitution à des fins de révision constitutionnelle, méthode que pourrait employer Marine Le Pen pour contourner le Parlement.
Un texte qui a peu de chance de passer au Sénat
Depuis janvier 2024, le RN a présenté à l’Assemblée nationale une proposition de loi constitutionnelle baptisée «citoyenneté-identité-immigration». Ce texte vise à supprimer le droit du sol, restreindre l’asile et inscrire la priorité nationale dans la Constitution. Le parti dirigé par Jordan Bardella envisage, en cas de victoire présidentielle, d’imposer ces réformes par référendum. Le vecteur utilisé serait l’article 11 de la Constitution, traditionnellement réservé aux consultations sur la politique économique, sociale ou environnementale.
Ce recours controversé à l’article 11 inquiète plusieurs juristes et responsables politiques. Le Conseil constitutionnel a déjà rappelé que cet article ne permet pas de modifier la Constitution, contrairement à l’article 89, qui prévoit une procédure parlementaire encadrée. Le sénateur Éric Kerrouche a décidé de formaliser cette restriction par une proposition de loi constitutionnelle, selon Public Sénat.
Éric Kerrouche dénonce un contournement du Parlement
Dans sa proposition de loi, Éric Kerrouche souhaite graver dans le marbre constitutionnel l’impossibilité de recourir à l’article 11 pour toute réforme touchant aux principes fondamentaux de la République. Il estime que le RN entend détourner la procédure référendaire pour imposer un projet jugé inconstitutionnel par de nombreux spécialistes. L’élu landais affirme que Marine Le Pen veut «transformer la Constitution» pour «la vider de l’ensemble de ses principes» fondateurs, dont ceux de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
«Elle le fera par référendum, en contournant le Parlement, pour mettre en place une Constitution qui serait éminemment xénophobe», a-t-il déclaré auprès de Public Sénat. Le sénateur PS appelle donc à sécuriser les mécanismes constitutionnels pour éviter tout usage abusif d’un article initialement conçu pour d’autres domaines. Cette démarche rejoint les inquiétudes déjà exprimées par plusieurs constitutionnalistes et anciens membres du Conseil d’État, qui ont alerté sur les risques d’un «référendum d’opportunité» contraire à l’esprit de la Ve République.
Une bataille juridique et politique en perspective
La proposition du sénateur socialiste intervient dans un climat politique tendu, où le débat sur l’immigration revient régulièrement au centre de la scène. Elle pourrait relancer les discussions sur la réforme des institutions et sur les pouvoirs conférés au président de la République. En cas d’élection en 2027, Marine Le Pen pourrait, selon ses proches, consulter directement le peuple sur ses priorités politiques, notamment migratoires. Néanmoins, il faut ajouter que l’élection de Bruno Retailleau à la tête des Républicains ne fait que renforcer cette volonté de consulter le peuple sur des questions essentielles de son quotidien.
Toutefois, selon plusieurs analystes, une telle stratégie pourrait être invalidée par le Conseil constitutionnel. En déposant ce texte, Éric Kerrouche cherche à prévenir toute tentative de contournement institutionnel. Reste à savoir si sa proposition sera débattue et votée avant la prochaine échéance présidentielle. Le gouvernement ne s’est pour l’heure pas exprimé sur le fond du texte.