
Drogue-Travail-Sécurité
Le monde professionnel fait face à un phénomène inquiétant qui s’accélère depuis la crise sanitaire. Les substances psychoactives s’invitent de plus en plus dans le quotidien des travailleurs français, touchant tous les secteurs et toutes les régions, avec des conséquences potentiellement graves sur la sécurité au travail.
Un doublement alarmant des cas détectés
L’étude menée par Ithylo dresse un constat sans appel : la présence d’alcool et de drogues en milieu professionnel a connu une hausse spectaculaire de 107% en l’espace de huit ans. Alors qu’en 2017, 2,55% des travailleurs étaient testés positifs, ce chiffre a grimpé à 5,29% en 2024.
Cette tendance s’est particulièrement accentuée après la pandémie de Covid-19. Entre 2022 et 2024 seulement, les tests positifs à l’alcool ont augmenté de 43%, tandis que ceux aux stupéfiants ont bondi de 52%.
La cocaïne s’invite dans tous les milieux professionnels
Le phénomène le plus préoccupant concerne la cocaïne, dont la consommation a littéralement explosé. Les tests positifs à cette substance ont été multipliés par 13 entre 2017 et 2025.
Cette drogue, autrefois associée principalement aux environnements festifs et urbains, se retrouve désormais sur les chantiers, dans les entrepôts et les ateliers. Cette démocratisation de la cocaïne bouleverse les schémas traditionnels de consommation et soulève des questions sur ses vecteurs de propagation.
Le cannabis reste en tête des substances consommées
Malgré la progression fulgurante de la cocaïne, le cannabis demeure la drogue la plus détectée en milieu professionnel. Les tests révèlent que 1,8% des travailleurs sont positifs à cette substance, soit 1,3 fois plus qu’en 2013.
Des facteurs explicatifs multiples
Plusieurs éléments permettent d’expliquer cette hausse généralisée. L’effet de groupe joue un rôle non négligeable, tout comme les conditions de travail parfois éprouvantes : horaires décalés, isolement, hébergement précaire et manque d’accès à l’information sont autant de facteurs qui peuvent favoriser ces comportements.
Les intérimaires particulièrement exposés
L’étude met en lumière une surreprésentation significative des travailleurs intérimaires parmi les cas positifs. Bien qu’ils ne constituent que 15% de l’échantillon total analysé, ils représentent 25% des cas positifs au cannabis, 31% à la cocaïne et 18% à l’alcool.
Cette vulnérabilité particulière pourrait s’expliquer par la précarité inhérente à leur statut et les conditions de travail souvent plus difficiles auxquelles ils sont confrontés.
Des habitudes de consommation bien identifiées
Concernant l’alcool, l’étude identifie clairement des pics de consommation en soirée et durant la nuit, particulièrement après 17 heures et en fin de semaine.
« Le vendredi reste marqué par un taux de collaborateurs positifs à l’alcool presque 2 fois supérieur au taux moyen de positifs à l’alcool au global (3,16 % contre 1,59%) », précise le rapport.
Profil des consommateurs : des différences selon les substances
Jean-Jacques Cado, l’un des responsables de l’étude, apporte des précisions sur le profil des consommateurs : « dans une précédente étude on avait observé (sur un panel plus réduit), que l’âge médian était 44 ans pour les personnes positives à l’alcool (contre 36 ans pour les stupéfiants). En revanche, le taux dans le sang était plus important chez les plus jeunes ».
Une carte de France de la consommation
L’analyse révèle également d’importantes disparités régionales. La Bretagne se distingue avec 6,6% de tests positifs, suivie du Centre-Val de Loire (5,9%) et de la Nouvelle-Aquitaine (2,8%).
Ces écarts significatifs peuvent s’expliquer par des facteurs culturels, sociaux ou liés aux secteurs d’activité prédominants dans ces régions.
Vers une intensification de la prévention
Face à ces chiffres préoccupants, les spécialistes appellent à renforcer les mesures préventives. Jean-Jacques Cado conclut : « Il faut que les entreprises continuent à investir et travailler sur la prévention des addictions » qui sont un des facteurs d’accidentologie au travail.
Pour établir ce panorama, plus de 110 000 personnes ont été dépistées entre janvier 2017 et avril 2025 dans toute la France métropolitaine, à l’exception de la Corse et des DROM. L’étude considère qu’une personne est positive à l’alcool si son taux est strictement supérieur à 0 mg/L d’air expiré.