
Prison de Fresnes ©Wikimedia Commons
La promesse d’Emmanuel Macron, faite mardi soir sur TF1 à Robert Ménard, n’est pas restée lettre morte. Interrogé sur la crise carcérale française, le chef de l’État a admis réfléchir à une solution radicale. En effet, il a suggéré la délocalisation à l’étranger d’une partie des détenus, en particulier les étrangers incarcérés. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait déjà évoqué cette piste en mars dernier dans un entretien au Journal du Dimanche. Désormais, la Chancellerie confirme que le projet est sérieusement envisagé, en prenant pour exemple le Danemark, qui a récemment transféré des détenus au Kosovo.
Une mesure ciblée sur les détenus étrangers
Selon plusieurs sources concordantes, ce dispositif viserait principalement les détenus de nationalité étrangère. Ces derniers représentent environ 20.000 personnes sur les 83.000 actuellement incarcérées en France. Un quart de la population pénale est donc potentiellement concerné. Cette mesure permettrait d’alléger une situation devenue intenable. Ainsi, malgré 62.000 places de prison officiellement disponibles, les établissements pénitentiaires français comptent déjà près de 5.000 matelas posés à même le sol. Et, à l’approche de l’été, période traditionnellement marquée par une hausse des incarcérations, les autorités cherchent une parade.
La direction de l’administration pénitentiaire, en lien avec celle des affaires criminelles, étudie la faisabilité juridique du projet. «Il faut savoir si cela est possible à droit constant ou s’il faut une loi spécifique», explique une source proche du dossier. La question des coûts et du volume de détenus transférables est également à l’étude, tout comme le choix de l’opérateur, public ou privé, chargé de gérer les centres de détention à l’étranger.
Un casse-tête juridique et logistique
La mise en œuvre d’un tel projet se heurte toutefois à de nombreux obstacles. Le droit pénitentiaire français impose des standards élevés: accès à l’école, au travail, aux soins, et aux activités culturelles. «Depuis les années 1980, notre droit est devenu inapplicable à l’étranger», souligne un directeur de prison, cité par Le Figaro. En cas de défaut de soins, l’État français pourrait se retrouver exposé juridiquement, même pour des détenus envoyés hors du territoire.
Les surveillants pénitentiaires, de leur côté, expriment une forme de lassitude face à ce qu’ils perçoivent comme un aveu d’impuissance. «Après Adopte un mec .com, voici Adopte un détenu.com», ironise l’un d’eux. Le syndicat FO Justice a déjà fait part de ses réserves. Ils dénoncent une forme de renoncement de la part de l’État. Malgré les critiques, l’exécutif considère qu’il n’a plus d’alternative. Face à la saturation des prisons et à l’échec des précédentes politiques d’extension du parc carcéral, le transfert de détenus à l’étranger apparaît comme un recours pragmatique, bien que controversé. Le Kosovo, la Roumanie ou encore la Serbie sont évoqués comme pays hôtes potentiels, mais aucun accord n’a encore été signé.